Profil – Équipe de récupération sous-marine

Plonger en eaux inconnues

L'insp. Ruth Roy a acquis un impressionnant bagage depuis qu'elle s'est immergée dans l'univers de l'Équipe de récupération sous-marine (ERS) en 1991. Si elle mène la carrière dont elle rêvait enfant, son parcours en tant que première femme membre de l'ERS de la Colombie-Britannique n'a toutefois pas été sans embûches.

« Quand je suis entrée à la GRC en 1981, la présence de femmes faisait encore sourciller. J'ai vite constaté que le travail policier exigeait plus d'entregent que de force physique », affirme-t-elle.

Un jour au cours de ses six premiers mois de service, elle a été appelée à intervenir seule auprès d'un homme ivre de taille imposante. L'expérience lui a appris toute l'utilité de la gentillesse, de la générosité et de l'humour. Blaguant pour désamorcer les tensions, elle lui a expliqué qu'il devait quitter le refuge où il se trouvait et lui a proposé un séjour de dégrisement en cellule, offre qu'il a acceptée d'un air penaud.

L'attitude de l'insp. Roy en dit long sur sa détermination, une qualité qui l'a bien servie par la suite. Après avoir épousé un autre membre de la Gendarmerie à une époque où l'organisation n'était pas favorable aux unions de ce genre, elle a décidé de quitter son emploi pour se joindre à la Police de Ports Canada, plus précisément à son équipe de plongée sous-marine, un choix tout naturel puisque cette activité la passionnait déjà. En 1988, Ports Canada l'a envoyée suivre une formation en récupération sous-marine avec l'équipe de plongée la GRC, qui était encore, selon ses souvenirs, « l'une des dernières chasses gardées masculines ».

Avant l'insp. Roy, aucune femme n'avait suivi cette formation intensive de trois semaines. « On me surveillait de près, note-t-elle, mais j'étais comme un poisson dans l'eau et j'ai tout réussi haut la main. » Attestation en poche, l'ancienne nageuse de compétition a passé les trois années suivantes à plonger avec l'équipe de Ports Canada et à participer à des formations et à des exercices avec celle de la GRC.

Quand elle a regagné les rangs de la Gendarmerie en 1991, Ruth a été affectée à la Division E et a continué à participer aux exercices de plongée de l'organisation.

Entre-temps, une autre femme avait créé un précédent : en février 1989, la cap. Ann Noel était devenue la première plongeuse de la GRC au moment de sa nomination à l'ERS à temps partiel de la Division B, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Ruth a vu sa chance lorsqu'un poste permanent s'est libéré au sein de l'ERS plus tard en 1991. Certains gestionnaires, qui avaient pourtant appuyé sa participation aux exercices de plongée, se sont alors opposés à sa nomination.

« Quand j'ai voulu faire partie de l'équipe, la direction s'est mise à chercher des prétextes pour refuser, invoquant d'abord le manque de vestiaires, puis ma force physique inférieure, puis le malaise que ressentaient certains des hommes à l'idée d'avoir une femme comme partenaire. »

La question des vestiaires, la cap. Noel a dû l'affronter aussi. « Comme les plongeurs se changeaient dans un grand fourgon, on se demandait comment j'allais faire », se souvient-elle, ajoutant que le problème avait été facile à régler. Les membres de l'équipe enfilaient tout simplement leur maillot de bain avant de se présenter au lieu de plongée. « Nous savions que nous avions un travail à faire et nous l'avons fait. »

Malgré les obstacles qui se dressaient sur le chemin de Ruth, l'expérience qu'elle avait accumulée avec l'équipe a fait pencher la balance. C'est finalement une photo d'elle, prise au cours de l'un de ses nombreux exercices de plongée, la montrant en train de se faire passer une bouteille d'air comprimé alors qu'elle portait un grand sac d'équipement et deux ceintures de lest de 25 lb sur les épaules, qui a convaincu les récalcitrants que sa force physique ne posait aucun problème. Le reste de leurs craintes se sont évanouies quand un de ses compagnons de plongée a décrit ce qui s'était passé lors d'un exercice dans les rapides de Skookumchuck, à Pender Harbour, en Colombie-Britannique.

Ruth garde un souvenir vif de l'incident. « Mon partenaire et moi, nous nous tenions par la main, les bras étendus, glissant rapidement dans l'eau à une dizaine de pieds du fond marin, où se mêlaient des teintes de rouge, d'orange, de violet et de vert… C'était magique, comme si j'avais des ailes, une impression dont je ne me rapprocherai probablement plus jamais de la sorte », raconte-t-elle.

« Nous nous sommes finalement arrêtés et avons vérifié nos manomètres. Nous étions à une profondeur de 80 pieds et mon partenaire commençait à manquer d'air, alors nous avons amorcé notre remontée. Nous nous sommes donné un élan et avons fait un grand cercle, puis soudainement l'eau est devenue plus sombre et nous descendions de nouveau. Nous nous sommes rendu compte que nous étions pris dans un tourbillon et que la tenue de plongée de mon partenaire ne contenait pas suffisamment d'air pour l'empêcher d'être traîné vers le bas. Il m'a alors fait signe qu'il n'avait plus d'air. Je lui ai fourré mon détendeur de sécurité dans la bouche, j'ai gonflé au maximum mon gilet stabilisateur et je l'ai littéralement tiré jusqu'à la surface. »

La compétence de Ruth n'a plus jamais été remise en question, et elle a fièrement fait partie de l'ERS pendant huit ans. Depuis, elle enfile les rôles prestigieux : aujourd'hui membre du Peloton de protection du premier ministre, elle a aussi figuré au nombre des premières aides de camp de sexe féminin, rôle qui lui a été confié en 2000, à la demande expresse de Myra Ava Freeman, alors lieutenante-gouverneure de la Nouvelle-Écosse. Ce poste étant normalement réservé aux officiers brevetés, le fait que Ruth y ait été nommée alors qu'elle était caporale a créé un précédent qui a permis à plusieurs autres sous-officières d'accéder au même honneur.

Avec tant de réalisations à son actif, y compris la mise sur pied d'un programme de formation sur la violence sexospécifique en Haïti et la direction d'un projet de recherche international sur le leadership en milieu policier et les perceptions des hommes et des femmes quant aux obstacles à la promotion, Ruth s'est vu décerner le prix de la cadre policière de l'année 2013, un moment fort de sa carrière.

« C'est drôle, on aborde chaque jour en tâchant simplement d'agir selon sa conscience, puis quand on fait le bilan, on se rend compte de l'impact qu'on a eu. C'est gratifiant », reconnaît-elle. Interrogée quant aux conseils qu'elle donnerait aux femmes qui se trouvent actuellement dans les rangs de la GRC ou qui s'y joindront un jour, elle répond ceci : « Soyez vous-mêmes, et lorsque vous gravissez les échelons de l'organisation, retournez-vous, tendez la main et faites monter au moins deux consœurs avec vous! »

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