Les tribulations de la troupe 17 à la Division Dépôt
Lorsque les premières cadettes sont arrivées à l'École de la GRC, personne ne sait vraiment qui, des cadettes ou des hommes qui devaient les former, étaient les plus nerveux.
« Nous étions prêts les accueillir… à peu près », raconte en riant Al Nicholson, qui était instructeur à la Division Dépôt lorsque les femmes qui ont formé la troupe 17 de 1974-1975 ont été assermentées le 16 septembre 1974 en vue de commencer leur formation une semaine plus tard.
L'ancien membre de la GRC se souvient de la première fois qu'il s'est retrouvé devant les 32 femmes en classe, alors qu'il ne comptait qu'environ un an d'expérience de l'enseignement aux recrues. « C'était la première fois que j'étais nerveux à la Division Dépôt. Je ne voulais rien dire de travers. »
La Division Dépôt, qui a officiellement ouvert ses portes en 1885, est une installation tentaculaire à Regina (Saskatchewan) qui véhicule la tradition paramilitaire de la GRC. Les nouveaux cadets marchent au pas en rang pour aller d'un cours à l'autre, tout le monde se fait appeler « Monsieur » ou « Madame » et à midi, la plupart du temps, on peut entendre les ordres du sergent instructeur au terrain de rassemblement.
Cette atmosphère peut être impressionnante pour quiconque arrive sur place. « L'uniforme, la marche au pas, les exercices, les « Oui, Monsieur » et les « Non, Monsieur », ça demande un certain ajustement pour tout le monde, homme ou femme », explique Al Nicholson, qui dirige maintenant le Centre du patrimoine de la GRC.
Pour Donna Morse (née Burns), qui avait 21 ans à l'époque et arrivait de Calgary (Alberta), l'endroit lui inspirait un respect mêlé de crainte.
« Je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait », a-t-elle avoué dernièrement alors qu'elle était chez elle, près de Vancouver (Colombie-Britannique), à la retraite après 21 ans à la GRC et 19 autres années à l'emploi du gouvernement de la Colombie-Britannique.
Avant l'arrivée des femmes à la Division Dépôt, les 32 hommes formant chacune des troupes vivaient ensemble dans un dortoir semblable à une caserne de l'armée : le long de chaque mur s'alignaient des lits faits au carré dont les draps étaient tellement serrés qu'on pouvait y faire rebondir une pièce de monnaie. À leur arrivée, les femmes ont été installées dans des chambres pour deux personnes puisqu'on croyait qu'elles avaient besoin de plus d'intimité. Et à la dernière minute, il a fallu se dépêcher pour remplacer les urinoirs par des toilettes.
Puis il y a eu l'uniforme. « Ils s'affairaient encore à coudre les uniformes lorsque nous sommes arrivées", raconte Bev Busson (née MacDonald), une membre de la troupe 17 qui a gravi les échelons tout au long de ses 33 années de carrière jusqu'à ce qu'elle devienne la première femme commissaire de la GRC.
« Nous n'avions pas de ceinture de service. Il n'y avait même pas de passants de ceinture sur nos pantalons », se souvient-elle. On leur remettait plutôt l'ignoble poche contenant des compartiments pour une arme à feu, des munitions et une paire de menottes. Heureusement, les considérations pratiques l'ont emporté et les femmes ont reçu des ceintures de service avant la fin de leur formation.
Les escarpins noirs, tambourins et blouses synthétiques ont duré plus longtemps. « L'uniforme était affreux, poursuit Al Nicholson. On aurait dit qu'il sortait tout droit des années 1940. »
Ce n'est qu'au début des années 1990 qu'on a abandonné l'uniforme pour femmes pour que tous les membres de la GRC aient les mêmes effets et équipements. Il aura fallu attendre 18 ans, mais, en 1992, les femmes ont finalement pu porter la célèbre tunique rouge, le Stetson, les bottes brunes à tige haute et la culasse auxquels on associe la GRC dans le monde entier.
La formation n'avait pas été vraiment modifiée pour les femmes, sauf qu'on surveillait un peu plus son langage, selon les dires d'Al Nicholson. De nos jours, la formation est la même pour tous les cadets, mais au début, on avait modifié le programme afin de tenir compte des capacités physiques des femmes, selon ce qu'a écrit la gend. Barb Woods (maintenant Alexander) dans la Trimestrielle de la GRC en avril 1975, seulement un mois après qu'elle et 29 autres membres de la première troupe de femmes eurent obtenu leur diplôme de la Division Dépôt.Le saviez-vous?
Lorsque les femmes de la troupe 17 ont commencé leur entraînement, les instructeurs craignaient que le balancement des hanches nuise à la précision des exercices militaires. Il s'est avéré que les femmes pouvaient être aussi précises que les hommes.
Toutefois, les femmes devaient relever un défi supplémentaire pour apprendre les mouvements précis et les enchaînements des exercices, ajoute Al Armstrong. Les instructeurs d'exercice se donnaient beaucoup de peine pour leur apprendre à marcher au pas sans qu'elles se déhanchent!
En classe, par contre, il n'y avait aucune différence. Karen Adams (née Somers) se rappelle particulièrement bien d'un instructeur qui, tellement intimidant la première journée, s'est révélé être son instructeur préféré lorsqu'elle a obtenu son diplôme le 3 mars 1975. « Il nous a enseigné que le métier de policier devait être pris très au sérieux et que si on ne le prenait pas au sérieux à la Division Dépôt, on n'avait pas notre place sur le terrain », explique-t-elle.
« Ils nous ont tous confrontées à la réalité, mais je ne crois pas qu'ils nous aient traitées différemment des hommes », ajoute-t-elle à partir d'Edmonton, à la retraite après 28 années de service à la GRC et 11 autres années à enseigner l'application de la loi à l'Université MacEwan.
Mais il y a une chose qui était propre à la troupe 17, quelque chose qu'aucune autre troupe n'a vécue : l'attention des médias.
« Nous voulions juste être traitées comme les autres, mais une équipe de journalistes arrivait au beau milieu d'un cours de tactiques de défense, se remémore Bev Busson en riant. Bien sûr, c'était dérangeant, mais nous essayions de rester concentrées et de relever les défis du jour. »
Les membres de la troupe sentaient assurément qu'elles devaient prouver qu'elles méritaient d'être à la Division Dépôt, ce qui les a amenées à nouer des liens très serrés, très rapidement. Si serrés en fait qu'elles se retrouvent tous les cinq ans depuis qu'elles ont prêté serment pour la première fois.
Les instructeurs et le personnel subissaient eux aussi de la pression car il fallait que cela fonctionne. « Nous essayions de nous adapter à une nouvelle réalité », explique Al Nicholson, avant d'ajouter que de nombreux autres services de police canadiens acceptaient des aspirantes policières depuis plusieurs dizaines d'années déjà.
En rétrospective, Al Nicholson est fier d'avoir vécu cet important chapitre de l'histoire de la GRC. Cette fierté se ressent lorsqu'on l'entend dire qu'il a suivi la progression des « filles » tout au long de leur carrière.
« Elles ont fait beaucoup d'efforts et ont fait du bon travail d'équipe. Elles formaient tout simplement une très bonne troupe », conclut-il.
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