La région méridionale des Philippines a longtemps été en proie aux conflits entre deux factions religieuses. Lorsqu'un projet d'accord de paix a été conclu l'an dernier, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international canadien a demandé au comm. adj. Randy Beck de la GRC de présider la Commission indépendante sur la police (CIP) dans la région de Bangsamoro. Le comm. adj. Beck, qui compte 35 ans de service à la GRC, a fait part de son expérience à Sigrid Forberg.
Qu'est-ce qui vous a intéressé dans cette mission?
Le fait qu'on cherchait à concevoir un nouveau modèle de police et qu'on voulait des recommandations pour un état émergent qui est en plein essor économique. Le pays sortait tout juste d'une période de conflit par suite d'un accord de cessez le feu; le modèle de police constituerait la pierre d'assise pour ériger une société pacifique dans la région qu'on appelle Bangsamoro; voilà ce qui m'a plu.
Et comment cela s'est-il passé?
L'échéancier très serré qui nous est imposé complique énormément les choses, mais je demeure très optimiste; je pense que nous saurons présenter un rapport positif en temps voulu.
Travailler aux Philippines a été un défi, dans la mesure où il s'agit de ma première affectation à l'étranger. Mais je considère que les Philippins sont le peuple le plus patient de la planète - ils attendent cette paix depuis si longtemps. Ils manifestent cette patience au quotidien; ils désirent ardemment la paix et tous s'y consacrent sans relâche.
Quelle a été votre plus grande difficulté?
Pour moi, le plus difficile a été au tout début - quand je suis arrivé à la Commission, celle-ci était dépourvue d'infrastructure et de capacités. Nous avons dû partir de zéro - nous n'avions ni bureau ni personnel de soutien et notre budget n'était pas confirmé.
C'est alors que le typhon Yolanda s'est déclaré, accaparant le gouvernement philippin et toutes les ambassades et la population. À juste titre, tous les efforts ont été dirigés au secours des sinistrés. Ce qui nous a retardés d'environ quatre semaines. La compression de l'échéancier nous a obligés à adopter une optique de gestion du risque afin d'évaluer à court terme les secteurs les plus à risque, quitte à élaborer des stratégies d'atténuation pour les secteurs que nous ne pouvions aborder de façon satisfaisante.
Par ailleurs, quel est l'aspect le plus satisfaisant?
De voir les gens de Bangsamoro comprendre que la paix durable repose sur l'établissement de services policiers; qu'ils désirent voir les factions poser leurs armes. Ce qui me réjouit, c'est de travailler avec les gens; sentir qu'ils souhaitent ardemment la paix et l'établissement d'une police civile, et coopérer avec la police selon un modèle de police communautaire.
C'est tellement enrichissant de pouvoir appliquer mes 35 ans d'expérience à notre mission, aux consultations, aux entretiens et à l'élaboration d'un nouveau modèle aux Philippines. De pouvoir appliquer le fruit de mon expérience au Canada dans le contexte philippin.
Quels avantages tirent le Canada et la GRC de cette mission?
Je pense que la paix aux Philippines est avantageuse pour le Canada. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, le règlement d'un conflit ne repose pas entre les mains seules de la police. Une paix durable nécessite des solutions politiques et économiques. Alors seulement la police sera en mesure d'assurer la sécurité de la collectivité. L'initiative du Canada dans cette mission permettra le développement économique du sud des Philipppines.
Je lisais dans le journal d'hier que les investissements étrangers dans le secteur de Mindanao dans les 45 premiers jours de 2014 excèdent les investissements globaux effectués en 2013. On observe une telle volonté de la part de la communauté étrangère d'investir dans ce pays émergent et un tel optimisme dans la société philippine; le soutien du Canada à l'élaboration d'un modèle de police à Bangsamoro rapportera des dividendes à l'avenir, j'en suis convaincu.