Au printemps 2014, le Journal of Occupational and Environmental Medicine a publié une étude sur l'activité physique des policiers. Peu de démarches ont été entreprises pour définir les exigences physiques du travail policier, outre des autoévaluations volontaires; il s'agit donc de la première étude à évaluer le degré d'activité physique des agents de la paix.
Les auteurs ont comparé l'activité physique mesurée des policiers durant les heures de travail et en dehors du travail et ont évalué les effets du stress sur l'activité physique. Les policiers étant davantage à risque de maladies cardiovasculaires, l'étude avait pour but notamment d'examiner la mesure dans laquelle l'activité physique au travail contribue à ce risque.
L'étude a porté sur 119 membres de six services qui ont porté un contrôleur d'activité durant quatre jours afin de mesurer la dépense énergétique totale, l'intensité d'activité et le nombre de pas à l'heure.
Les chercheurs ont constaté que le niveau moyen d'activité des policiers correspond à la dépense occasionnée par le repassage, le fait de tenir un enfant dans ses bras ou de laver la vaisselle. Ces résultats laissent entendre que les participants sont plus actifs dans leurs loisirs qu'au travail.
Les participants à l'étude
Les agents qui ont participé à l'étude provenaient de l'Iowa (4 services), du Wisconsin (un service) et des îles hawaïennes (un service). Ces services ont été choisis pour la diversité de l'environnement géographique et leur climat tempéré, ainsi que pour l'éventail des responsabilités professionnelles. La participation était volontaire.
On a mesuré l'activité physique à l'aide du contrôleur d'activité SenseWear Pro3 Armband (SP3, BodyMedia, Pittsburgh, PA). Porté au bras, le contrôleur SP3 est léger (83 g), discret et confortable; il permet de mesurer avec précision une plage étendue de dépenses énergétiques.
Les participants devaient porter le contrôleur durant 96 heures consécutives, réparties sur trois jours de travail et un jour de congé. Il devait être porté en permanence, sauf lors du bain et d'activités aquatiques, sous l'uniforme ou la tenue civile. Les membres devaient en outre consigner dans un journal les activités plus exigeantes que la position assise, et remplir plusieurs sondages sur le stress en général.
Résultats
Comme le révèle l'article du Journal of Occupational and Environmental Medicine, 74 pour cent des participants étaient des hommes, et 84 pour cent, de race blanche. La plupart des participants en étaient à mi-carrière : ils avaient en moyenne 40,1 ans et comptaient en moyenne 15,3 années de service.
Si 97 pour cent des policiers ont dit être physiquement actifs (se livrant à des activités physiques comme la course à pied, la gymnastique, le golf, le jardinage ou la marche, au cours du mois précédent), 79 pour cent accusaient un surplus de poids, voire étaient obèses.
En gros, la cote de stress moyenne sur l'échelle de stress ressenti (une mesure du stress général) chez les participants était de 19,4, soit similaire à celle de membres d'autres services.
En général, les participants étaient plus actifs durant leurs jours de congé qu'au travail. Les membres masculins dépensaient plus d'énergie à l'heure que leurs homologues féminins, tant au travail qu'en congé. Fait notable, les membres subalternes étaient plus actifs que les officiers de grade supérieur au travail, mais pas durant les périodes de congé.
Le niveau moyen d'activité mesuré était faible, ce qui laisse entendre que le travail policier est essentiellement une profession sédentaire. Ainsi, l'intensité d'activité moyenne mesurée au travail correspond à faire la vaisselle debout, à s'asseoir avec un bébé dans les bras ou à jouer aux cartes, ou encore à faire du repassage debout. En d'autres termes, les exigences physiques du travail policier sont généralement comparables au fait d'être assis ou debout.
Ces résultats ne surprendront guère les membres de la profession. Année après année, les policiers nous disent que leur travail consiste en des périodes passées assises ou debout entrecoupées de brefs moments d'activité intense.
Les résultats de l'étude corroborent notre présomption que le travail policier est essentiellement une profession sédentaire et que les policiers tendent à être plus actifs durant leurs jours de congé que leurs jours de travail.
Des raisons de s'inquiéter
Les policiers sont davantage à risque d'avoir une maladie cardiovasculaire que la population générale - un fait connu depuis plus de 30 ans.
Le stress contribue non seulement directement au risque d'une maladie cardiovasculaire, mais aussi indirectement, par ses répercussions sur le taux de cholestérol et d'hypertension, et sur l'activité physique. Le travail policier étant considéré comme une profession très stressante et étant donné le risque accru de maladie, les policiers devraient savoir que l'activité physique est un facteur de risque sur lequel ils peuvent agir.
Bien que les membres disent uniformément exercer un niveau d'activité physique supérieur aux membres de la population en général, ils n'en affichent pas moins un taux d'excès de poids et d'obésité supérieur à la population moyenne.
Selon Borrel et ses collègues, les personnes se situant dans une catégorie supérieure d'indice de masse corporelle (IMC) présenteraient un risque supérieur de mortalité pour cause de maladie cardiovasculaire que ceux qui affichent un IMC normal (2014). Ce qui laisse entendre qu'un excès de poids pourrait entraîner une mort précoce causée par une maladie cardiovasculaire ou d'autres facteurs.
Un excédent de poids est associé au diabète, à un taux élevé de cholestérol et à l'hypertension, ainsi qu'à un risque accru de maladie cardiovasculaire et autres maladies chroniques. La combinaison de plusieurs de ces conditions chroniques aggrave les risques pour la santé.
On devrait donc prendre des mesures pour atténuer les facteurs de risque, à savoir l'inactivité physique, avant l'apparition d'une maladie chronique. Des maladies comme les maladies cardiovasculaires ne deviennent apparentes qu'à la retraite.
Selon la vaste étude réalisée en 2008 au sein de retraités à Milwaukee, les policiers à la retraite sont 70 pour cent plus à risque de contracter une maladie cardiovasculaire que les retraités du même âge dans la population générale; on constate aussi chez ces derniers une prévalence supérieure de divers facteurs de risque.
Les changements les plus simples peuvent être très bénéfiques. Par exemple, augmenter l'activité peut diminuer le risque et la prévalence des maladies cardiovasculaires. Les études montrent qu'une activité même modérée pratiquée les jours de congé peut réduire l'incidence des maladies cardiovasculaires et d'autres maladies chroniques.
Réduire les risques
Dans leur ouvrage Stress, Trauma and Wellbeing in the Legal System, Ramey et Franke abordent le risque accru de maladies cardiovasculaires chez les policiers et les solutions pour réduire ce risque : (trad.) « allier l'évaluation des risques de maladie à la sensibilisation permet de réduire la prévalence des facteurs de risque. » Les programmes les plus efficaces ont été offerts durant au moins une heure et répétés maintes fois durant l'année.
« En outre, les meilleurs programmes étaient accompagnés d'un éventail d'activités de promotion et de sensibilisation en matière de santé. Cette démarche est particulièrement applicable au milieu policier, puisque les services imposent déjà des séances annuelles d'entraînement. Au cours de celles-ci, on pourrait informer les membres des risques pour leur santé et leur inculquer des données factuelles sur les risques et la mortalité attribuable aux maladies.
Cela dit, nombre de services n'imposent pas de normes de forme physique à leurs membres. Il est habituel d'établir des exigences pour les recrues durant leur stage à l'école de police, mais par la suite, les normes de forme physique ne sont pas courantes. »
Il est également surprenant de voir que la plupart des services n'exigent pas d'examen médical annuel.
Évidemment, on peut cerner l'effet du stress professionnel dans les habitudes de vie des policiers. Selon Tangoshi et coll., pour la plupart des agents, les facteurs de stress psychologique, émotionnel, physique, social et spirituel dans leur environnement professionnel quotidien pourraient contribuer à des habitudes de vie et à des choix malsains.
Ces habitudes entraîneraient vraisemblablement une prévalence accrue des risques de maladies cardiovasculaires courantes chez les policiers. De toute évidence, des programmes s'imposent pour maintenir le bien-être et réduire les facteurs de risque chez les policiers.
Entre-temps, si les policiers ont conscience d'être plus actifs en congé qu'au travail, que leur niveau d'activité physique au travail est essentiellement bas et que l'excédent de poids constitue un facteur de risque prépondérant dans la profession, certains pourront modifier leur niveau d'activité dans le bon sens.
Références
Ramey, S., Y. Perkhounkova, M. Moon, H. Tseng, A. Wilson, M. Hein, … W. Franke. « Physical activity in police beyond self-report », Journal of Occupational and Environmental Medicine, 2014, 56(3), 338-343.
Franke, W., et S. Ramey. « Stress and cardiovascular disease in law enforcement », Trauma, stress and wellbeing in the legal system, publié sous la direction de M. K. Miller & B. H. Bornstein. New York, Oxford University Press, 2013.
Ramey, S., N. Downing et A. Knoblauch. « Developing strategic interventions to reduce CVD risk in law enforcement officers: The art and science of data triangulation », American Association of Occupational Health Nurses Journal, 2008, 56(2), 54-62.
Ramey, S., W. Franke et N. Downing. « Milwaukee Police Department retirees: Cardiovascular disease risk and morbidity among aging law enforcement officers », American Association of Occupational Health Nurses Journal, 2009, 57(11), 448-453.
Borrel, L. N. et S. Lalitha. « Body mass index categories and mortality risk in US adults: The effect of overweight and obesity on advancing death », American Journal of Public Health, 2014, 104(3), 512-519.
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Miller, L. « Stress and resilience in law enforcement training and practice », International Journal of Emergency Mental Health, 2008, 10(2), 109-124.