Chaque personne a une démarche qui lui est propre. Ainsi, lorsqu'un criminel est capté sur vidéo, un expert en analyse judiciaire de la démarche peut contribuer à l'identification d'un suspect en analysant sa façon de marcher. Deidre Seiden s'est entretenue avec le premier analyste judiciaire de la démarche, le podiatre judiciaire Haydn Kelly, à Londres.
Qu'est-ce que l'analyse judiciaire de la démarche?
On entend par démarche la façon de marcher d'une personne, c'est-à-dire ses mouvements de la tête aux pieds. En résumé, l'analyse judiciaire de la démarche consiste en l'application des connaissances de l'analyse de la démarche aux affaires judiciaires.
Comment êtes-vous devenu le premier analyste judiciaire de la démarche?
J'ai été appelé à titre d'expert dans l'affaire R c. Saunders en 2000. À la Metropolitan Police de Londres, on voulait savoir s'il était possible d'analyser la démarche de personnes inconnues impliquées dans des vols à partir des séquences captées par une caméra de vidéosurveillance et d'effectuer une comparaison avec des séquences vidéo de suspects connus. À l'époque, le procès a eu un grand retentissement médiatique au R.-U. et ailleurs et il a fait la une du journal The Independent.
Pouvez-vous nous parler de votre témoignage comme expert dans une affaire au Canada?
En 2009, des preuves judiciaires podiatriques ont été présentées pour la première fois devant des tribunaux pénaux canadiens dans l'affaire R c. Aitken. Le service de police de Victoria m'a demandé d'examiner la séquence vidéo d'une fusillade pour savoir si une analyse de la démarche pouvait être utile. J'ai évalué puis analysé le matériel et j'ai présenté un rapport d'analyse judiciaire de la démarche. Le rapport a été déposé en preuve par le ministère public et un témoignage d'expert a été livré lors du procès, qui comportait un contre-interrogatoire rigoureux. Le ministère public a gagné le procès et l'intimé a été condamné pour meurtre au premier degré par le jury. La condamnation a été maintenue lors des appels subséquents.
Que cherchez-vous?
Je regarde d'abord la séquence vidéo du suspect inconnu et, ensuite, celle du suspect connu. J'observe sa démarche afin de déceler quelque chose d'inhabituel. Il est essentiel d'examiner la séquence vidéo du suspect inconnu en premier lieu pour éviter le préjugé de confirmation. Je compare ensuite les séquences pour relever les similitudes et les différences.
En quoi cette analyse est-elle utile aux enquêtes et aux tribunaux?
La plupart des affaires comportent plus d'un élément de preuve, et l'analyse judiciaire de la démarche est un élément de la boîte à outils judiciaires. Elle peut faciliter le repérage d'un criminel ou servir de preuve lors de la comparaison de la personne inconnue sur séquence vidéo à la séquence d'un suspect connu.
Une formation spéciale est-elle nécessaire?
Oui. L'analyse judiciaire de la démarche est une spécialité du domaine de la podiatrie judiciaire, qui comprend aussi les empreintes plantaires et de chaussures. Grâce à la podiatrie judiciaire, il est possible d'utiliser des dossiers podiatriques pour identifier des victimes de catastrophes.
Vous devez posséder un diplôme universitaire en podiatrie et bien comprendre l'analyse judiciaire de la démarche, et en avoir une bonne expérience. Il faut aussi avoir travaillé à des études de cas médico-légales pour savoir ce qui est requis d'un expert dans le domaine juridique. De plus, quiconque s'intéresse au domaine doit suivre des cours universitaires de 2e cycle sur la rédaction de rapports, les contre-interrogatoires, les comparutions en cour, le droit et la procédure.
Je travaille actuellement à la rédaction du premier manuel sur l'analyse judiciaire de la démarche qui sera publié cette année.
Que diriez-vous aux sceptiques?
Toutes les formes d'identification se fondent sur la probabilité, et l'analyse judiciaire de la démarche n'y échappe pas. Il s'agit d'un outil fiable qui a été mis plusieurs fois à l'épreuve devant les tribunaux. Le recours aux preuves génétiques est un très bon exemple de l'évolution de cette méthode d'identification depuis sa première utilisation il y a 30 ans. Les progrès permettent d'améliorer la façon de travailler, et il importe de savoir comment en faire profiter les systèmes en place.