Comment rebâtir intelligemment une organisation après des années de compressions de dépenses et de personnel? Comment mobiliser efficacement la population afin d'assurer la sécurité de son milieu de vie et de réduire la criminalité? Comment favoriser le dialogue entre policiers et résidants?
La réponse à ces questions, le service de police de Sacramento (SPS) l'a trouvée dans la géographisation de l'effectif, une méthode repensée de surveillance de quartier, et dans l'utilisation de Nextdoor, un service privé et gratuit de réseautage social destiné aux citadins des États-Unis.
En 2013, le SPS s'est attaqué à ces difficiles questions et a amorcé un travail de reconstruction sur la base d'une nouvelle vision stratégique. L'essentiel de cette reconstruction a consisté à substituer un modèle policier géographisé au modèle conventionnel du travail d'équipe.
Géographisation du travail policier
De 2008 à 2012, le SPS a vu son budget diminuer de 30 p. 100, ce qui s'est traduit par la suppression de plus de 200 postes civils de soutien et l'élimination, par attrition et licenciements étalés sur deux ans, de
180 postes de policiers. Ces compressions ont considérablement amoindri la capacité du SPS de maintenir le même niveau de service et de présence auprès de la population.
En février 2013, le chef du SPS, Sam Somers Jr., s'est lancé dans l'aventure de rebâtir l'organisation. La première mesure majeure qu'il a prise en vue de concrétiser l'ambition du SPS de faire de Sacramento la plus sécuritaire des grandes villes de la Californie a été d'adopter une méthode de géographisation de l'effectif.
Celle-ci donne corps aux principes fondamentaux du SPS : travail en partenariat, prévention et intervention, professionnalisme, protection et appartenance communautaires. Pour résumer, la géographisation implique l'affectation à long terme de policiers dans des secteurs bien circonscrits de la ville afin qu'ils puissent nouer des relations avec les résidants et les organismes communautaires.
L'application de ce modèle découpe la ville en subdivisions plus aisées à gérer et accentue l'horizontalité de l'organisation. Auparavant, les capitaines des centres de patrouille étaient responsables des décisions opérationnelles et des initiatives de mobilisation de la population dans de vastes secteurs englobant une multitude de quartiers.
En vertu du nouveau modèle, le lieutenant de chaque centre de patrouille est responsable de districts bien précis à l'intérieur de son secteur de service assigné. Autrement dit, chaque lieutenant géographiquement affecté est désormais le « chef » des districts dont il a la charge.
Habiliter lieutenants, sergents et agents à employer des stratégies de résolution de problèmes et à s'approprier les enjeux qui animent la collectivité qu'ils servent est un élément clé du nouveau modèle, qui présente aussi l'avantage de réunir tous les intéressés dans un effort sincère et résolu pour établir des liens solides avec les résidants, les écoles et les entreprises de leurs quartiers.
Parallèlement et en appui à l'implantation du modèle d'activités géographisées, le SPS s'est mis à la recherche de solutions technologiques qui lui permettraient d'accroître considérablement sa capacité de communiquer en ligne avec les résidants.
Au terme de recherches approfondies, le SPS a jugé que Nextdoor était le réseau social idéal pour faciliter la mobilisation des résidants et la géographisation de l'effectif. Nextdoor permet aux résidants d'échanger entre eux sur tout sujet d'intérêt dans leurs quartiers respectifs.
Une fois Nextdoor entré en service, il est vite apparu que la sécurité et la criminalité étaient des préoccupations que beaucoup d'utilisateurs partageaient, ce qui a amené l'entreprise à s'associer aux organismes d'application de la loi, aux villes et aux comtés.
La plateforme Nextdoor destinée aux utilisateurs gouvernementaux permet aux organismes de sécurité publique d'adresser des messages à des secteurs déterminés à l'intérieur de leur territoire de compétence, ce qui, jusqu'ici, a secondé à merveille les activités géographisées du SPS.
Nextdoor met en contact les quartiers les uns avec les autres, ce qui soude l'esprit collectif et permet aux résidants de prendre en mains la sécurité de leur quartier. Dans un contexte de ressources limitées, ce qui semble être la « nouvelle norme », les résidants doivent pouvoir jouer un rôle actif pour rendre leur quartier sûr – et des quartiers branchés sont effectivement plus sûrs.
Nextdoor
Depuis que le SPS se sert de Nextdoor, soit un peu plus de deux ans, plus d'une centaine de ses membres en sont devenus des utilisateurs. Sergents, lieutenants et capitaines géographisés peuvent publier messages, annonces et alertes à l'intention de tout quartier ou groupe de quartiers au sein de leur secteur assigné. Nextdoor rend possible l'envoi, par un organisme, de messages concis susceptibles de toucher beaucoup plus de résidants que les traditionnelles rencontres communautaires.
En combinant Nextdoor et réunions de surveillance de quartier traditionnelles dans le cadre d'un programme communautaire énergique, on démultiplie l'incidence des efforts de mobilisation. Les échanges amorcés sur Nextdoor se poursuivent en personne et amènent les résidants à faire connaissance entre eux et avec leurs agents attitrés du SPS. Ce type de dialogue renforce les liens entre les résidants et le SPS et aide à assurer la sécurité des quartiers de Sacramento.
Les policiers du SPS utilisent Nextdoor quotidiennement. Les messages publiés sont de nature diverse : signalement d'une série de crimes commis dans un secteur, conseils pour éviter d'être agressé, annonce d'un événement « Cops and Coffee » qui aura lieu dans le quartier, nouvelle portant sur l'arrestation de l'auteur d'un crime grave ayant touché toute la communauté.
Nextdoor peut tout aussi bien servir dans les situations d'urgence. Lors d'un incident critique, une alerte peut être diffusée pour donner à la population des indications sur le suspect, la météo, un abri ou une évacuation. Cette diffusion peut être le fait de l'organisme d'application de la loi ou, à un niveau supérieur, de la circonscription urbaine ou de comté d'où provient l'information.
L'idée répandue selon laquelle Nextdoor — et la plupart des médias sociaux – fait augmenter la charge de travail de la police est erronée. En fait, c'est l'inverse qui est vrai : Nextdoor permet à la police de joindre un grand nombre de gens au moyen d'un seul message bref et uniforme.
Nextdoor requiert moins de surveillance que beaucoup d'autres médias sociaux. Comme c'est un réseau privé, les services de police ne peuvent pas voir les messages affichés chaque jour par les résidants. Ce qu'ils peuvent faire, c'est publier de l'information à l'intention d'un public cible, qui peut mettre sa réponse en ligne ou envoyer un message privé directement à l'agent émetteur.
Orientation sociomédiatique
Aujourd'hui, les services de police qui n'utilisent pas les médias sociaux se privent d'un moyen très efficace de communiquer en ligne avec la population. C'est à eux de faire connaître leur présence sur le réseau, de créer un groupe d'abonnés et d'habituer les résidants à les suivre.
Trait unique, tous les utilisateurs de Nextdoor avec qui les policiers sont en contact sont des Sacramentins dont les antécédents ont été vérifiés. La police peut ainsi mobiliser les résidants et faire connaître sa propre version des faits, ce dont les médias grand public ne lui donnent pas toujours l'occasion.
L'usage actuel des médias sociaux est en bonne partie dicté par la vitesse à laquelle défilent, lors d'un incident critique, l'information en ligne et les signalements des citoyens. Les services de police sont souvent contraints d'user des médias sociaux pour neutraliser et corriger des données inexactes ou incomplètes. Aujourd'hui, faire une déclaration générale sur les médias sociaux au sujet d'un incident en cours est tout aussi crucial que la tenue de conférences de presse.
En constituant un réseau d'abonnés, les organismes de sécurité publique peuvent toucher plus de gens que jamais, et en favorisant le développement de ce réseau, ils nouent et cultivent des relations avec la collectivité qui se révéleront fort utiles en temps de crise.
Conclusion
Après cinq ans de compressions budgétaires, de réductions de services et de mises à pied, ramener l'effectif du SPS à son niveau de 2007 promet d'être long et fastidieux. Le SPS n'aura pas la même silhouette qu'il y a cinq ans : il sera plus filiforme et plus agile.
Le virage géographique du SPS et sa volonté de tendre la main aux gens ont un effet tangible. La faculté de communiquer directement avec les résidants s'est grandement accrue : en juin 2013, 1 500 Sacramentins étaient des utilisateurs de Nextdoor; aujourd'hui, ils sont près de 44 000.
Qu'ils s'adressent aux 44 000 utili-sateurs ou seulement à ceux d'un quartier donné, les messages ciblés du SPS lui permettent non seulement d'entrer en contact quotidiennement avec les résidants, mais aussi d'ouvrir un canal de communication chaque fois qu'il en est besoin. Grâce à ce canal, des crimes ont été élucidés et des suspects arrêtés.
Le SPS est convaincu que des communautés branchées sont plus sûres et que Nextdoor est un outil de communication complémentaire qui l'a aidé à populariser et à renforcer ses groupes de surveillance de quartier tout en revigorant son travail de mobilisation communautaire.