Aider des policiers à retourner au travail après un incident critique suppose le recours à un réseau de professionnels et exige de la patience et du temps.
En Alberta, le programme de réintégration, mis sur pied en 2015 et dirigé par des pairs, a pour but de veiller à ce que les poli-ciers intervenus lors de fusillades ou d'autres incidents critiques – comme des accidents graves de la route et des décès en détention – soient aptes à exercer leurs fonctions opérationnelles à leur retour au travail.
« Auparavant, il n'existait pas de processus officiel pour s'assurer que les membres se sentent à l'aise d'utiliser les options d'intervention avant leur retour au travail », dit le serg. Ray Savage, qui a travaillé à la conception du programme et a inspiré d'autres membres, qui réclament que le programme soit offert à l'échelle nationale. « Le programme de réintégration est devenu une norme en matière de soins pour les membres. »
Faire face aux traumatismes
Après un incident critique, le policier est aiguillé vers un psychologue des Services de santé de la GRC, qui discutera avec lui, notamment de l'incident, et décidera si sa participation au programme de réintégration sera nécessaire.
Le participant au programme s'entre-tiendra avec deux intervenants sélectionnés en fonction de leur expérience opérationnelle et de leurs aptitudes en relations interpersonnelles. Ils rencontrent le policier pour parler de l'incident, de la façon dont il se sent et des démarches qui pourraient faciliter son retour au travail.
Cela dit, c'est le policier bénéficiaire qui est aux commandes.
« Les incidents critiques peuvent avoir d'importantes répercussions émotionnelles pouvant accabler les policiers et nuire à leurs mécanismes d'adaptation habituels, précise le serg. Savage. Nous leur donnons le temps d'élaborer un plan en vue de leur retour au travail. »
Par exemple, un policier qui a pris part à une fusillade peut avoir de la difficulté à composer avec l'odeur de poudre à canon ou le son d'un coup de feu. Il pourrait devoir reprendre confiance en lui pour être capable de travailler dans des situations de tir réel à nouveau.
« S'il le souhaite, on peut l'amener au champ de tir pour y recréer l'incident dans un environnement contrôlé afin qu'il reprenne confiance en ses compétences opé-rationnelles », ajoute le serg. Savage.
C'est pourquoi l'insp. Betty Gilholme, une officière de l'Administration et du Personnel au Nunavut, envoie des policiers qui ont besoin d'aide vers le sud.
« Nous avons de petits détachements et un taux d'incidents critiques plus élevé que la normale, et nous ne pouvons pas offrir ce genre de soutien, explique-t-elle. Les policiers qui suivent le programme obtiennent de l'aide pour pouvoir faire face aux conséquences d'incidents critiques et à tout traumatisme qui pourrait survenir plus tard. »
« Les policiers peuvent faire des exercices dans un lieu sécuritaire, ce qui les amène à comprendre des choses dont ils n'étaient peut-être pas conscients, ajoute-t-elle. Il ne faut pas que les membres figent pendant une intervention en raison d'un traumatisme non traité. »
Reprendre confiance
Le cap. Steve Oster du Groupe national du recours à la force de la GRC dirige le projet de mise en œuvre du programme à l'échelle nationale. Il admire beaucoup le travail effectué en Alberta.
« Je suis persuadé qu'ils ont empêché des membres de quitter la GRC et qu'ils ont même sauvé des vies », déclare-t-il.
Selon un policier qui a suivi le programme après avoir tiré sur un suspect, la réintégration devrait être obligatoire pour tous les policiers qui ont vécu un incident critique.
« Les jours qui suivent l'incident, on est plongé dans le stress, l'incrédulité et l'incertitude. On ne peut pas s'attendre à fonctionner normalement et à surmonter une expérience traumatisante sans aide, a écrit le policier dans une déclaration. Le programme de réintégration m'a aidé à reprendre confiance en moi et m'a permis de me remettre sur pied. »
Le cap. Oster, qui a également vécu des incidents critiques, est d'accord avec lui.
« Parfois, on fait semblant sur le terrain. Nous ne pouvons pas être émotifs parce que c'est nous qui sommes censés aider les autres, pas l'inverse, ajoute-t-il. Sauf que les émotions refoulées finissent par nous rattraper. »
Selon le serg. Savage, 77 policiers ont suivi le programme, qui est maintenant offert aussi à ceux qui retournent au travail après avoir subi une blessure physique ou psychologique.
Souvent, dès qu'ils sont de retour après avoir reçu l'autorisation du psychologue, les policiers se font les champions du programme de réintégration.
« Ces membres donnent au suivant. Ils deviennent des personnes-ressources pour le programme et encouragent leurs pairs à en profiter », conclut le serg. Savage.