Vol. 76, Nº 4À l'avant-scène

Récentes études policières

Les victimes de traite se fondent souvent dans le décor. Elles peuvent fréquenter des lieux publics lorsqu'elles travaillent, mais leurs bourreaux les empêchent de fuir par divers moyens.

Les extraits suivants d'études récentes en matière de justice et d'application de la loi reflètent les vues et les opinions des auteurs, mais pas nécessairement celles de leur organisation d'attache. Les rapports intégraux sont accessibles au site Web indiqué à la fin de chaque résumé.

Rédigé par Katherine Aldred

Covered in blue: Police culture and LGBT police officers in the Province of Ontario [En anglais seulement]

Joe L. Couto

Des entrevues réalisées avec 21 policiers de la communauté des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres (GLBT) laissent penser qu'en Ontario, l'ouverture à la diversité gagnerait du terrain sur la traditionnelle orientation hypermasculine et hétérosexuelle de la culture policière.

Si les participants considèrent en général que cette culture demeure conservatrice et dominée par les hommes, la plupart estiment aussi qu'elle a progressé vers l'inclusivité ces 20 dernières années, à mesure que plus de femmes, de membres de groupes ethniques et de personnes GLBT entraient dans les rangs et montaient en grade.

Cette ouverture à la diversité est peut-être davantage le résultat d'exigences législatives (lois et chartes des droits de la personne) que d'une évolution substantielle de la culture policière.

Les participants qui travaillaient dans le milieu policier depuis plus de 15 ans ont fait valoir que la présence accrue de GLBT et d'autres groupes dans les corps policiers dénote une culture plus ouverte et moins dominée par les hommes hétérosexuels.

Puisque les descentes ciblant les bars et les bains publics fréquentés par une clientèle GLBT sont chose du passé et que certains corps policiers travaillent activement à recruter des GLBT et à leur confier des postes de direction, les participants étaient d'avis que la culture de ces organismes était aussi en train de changer, quoique plus sous l'effet d'une évolution que d'une révolution.

Selon certains participants, la résistance organisationnelle à la diversité viendrait surtout des gestionnaires intermédiaires de 50 ans et plus qui gardent une attitude plus traditionnelle et négative à l'égard des policiers GLBT.

La perception d'ouverture chez les corps policiers est subjective et influencée par le discours que représentent leurs symboles et cadres (devises, énoncés de mission, règles concernant l'uniforme et l'apparence, politiques sur les mesures d'adaptation, etc.), autant d'éléments qui expriment des valeurs conservatrices associées au professionnalisme policier.

Certains des policiers GLBT participants ont fait l'objet d'actes flagrants de discrimination et de harcèlement au cours de leur carrière, mais la plupart disent que les « microagressions » sont plus courantes en milieu de travail.

Les participants se préoccupent de l'écart qu'ils perçoivent entre ce que disent les corps policiers (souvent au moyen de leurs cadres et symboles) et ce qui se passe vraiment en milieu de travail.

Malgré les difficultés qu'éprouvent les poli-ciers GLBT, l'étude a révélé que les participants avaient une attitude très positive à l'égard du métier de policier et de leur organisme d'attache. Chacun des 21 participants s'est dit d'accord avec les objectifs généraux de son corps policier quant au maintien de l'ordre et à l'élucidation des crimes (Colvin 2012). C'est signe que la profession continue de rallier solidement ses membres aux objectifs d'application de la loi et de prévention du crime, quelle que soit leur situation personnelle.

Conclusion

Cette étude montre que, dans leur milieu de travail, les agents GLBT de l'Ontario continuent de subir l'influence de la culture policière traditionnelle, jusqu'ici dominée par des hommes hétérosexuels de race blanche. Les participants croient toutefois que la culture se rapproche progressivement de la tendance générale de la société à mieux accepter les GLBT.

Sur le plan organisationnel, les services de police se montrent plus sensibles aux di-vers groupes qui composent la société. Ils doivent cependant reconnaître de façon plus délibérée leurs agents GLBT, car de plus en plus de membres avoués de cette communauté entrent dans leurs rangs.

Pour consulter le rapport intégral : www.royalroads.ca.

Mental illness and the criminal justice system [En anglais seulement]

Alison MacPhail et Simon Verdun-Jones

La recherche confirme la forte surreprésentation des personnes souffrant de maladie mentale dans l'appareil de justice pénale. Ce qui est moins clair, c'est la relation exacte entre les troubles mentaux et la criminalité, y compris la violence, et la meilleure façon de réduire la délinquance chez les personnes atteintes de maladie mentale qui ont des démêlés avec la justice.

Nombre d'études ont révélé un lien appa-rent entre la maladie mentale et la violence ainsi que le récidivisme, mais d'autres montrent que les troubles mentaux graves (dont la schizophrénie et les autres psychoses) ne sont pas en soi particulièrement annonciateurs de criminalité.

D'autres facteurs ont un effet plus déterminant : personnalité antisociale, psychopathie, déficience neurocognitive, toxicomanie, fréquentation de personnes antisociales, milieu de vie chaotique et antisocial où les ressources de soutien sont limitées.

Rapports avec la police

La police passe évidemment beaucoup de temps à composer avec des personnes souffrant de troubles mentaux, mais souvent pour des comportements qui n'ont rien de criminel.

Ces comportements peuvent être liés à une situation de crise ou être problématiques pour la communauté sans être suffisamment graves pour justifier une arrestation et une mise en détention. Les personnes atteintes de maladie mentale accaparent aussi une proportion démesurée des ressources du réseau de la santé, se trouvant souvent à consulter leur médecin de famille, à se rendre à l'urgence ou à utiliser d'autres services sociaux.

La plupart des études semblent montrer que la police n'arrête pas plus souvent les personnes souffrant de maladie mentale que les autres personnes ayant commis les mêmes infractions. En fait, elle serait moins portée à arrêter quelqu'un qu'elle croit psychologiquement perturbé, surtout si elle peut le diriger vers un programme de santé mentale. Lorsqu'elle opte pour l'arrestation, c'est parfois qu'elle n'a pas reconnu ou soupçonné la présence d'un trouble mental.

Recommandations

  1. Voir à ce que les stratégies de déjudiciarisation, les peines et la gestion des dossiers tiennent compte des facteurs criminogènes (personnalité antisociale, psychopathie, toxicomanie, etc.) et du bien-être social, en plus d'orienter les délinquants vers les ressources de santé mentale appropriées.
  2. Vu la corrélation entre la maladie mentale et la consommation abusive de substances, y compris la probabilité que celle-ci puisse cacher celle-là :
    • intégrer les stratégies de traitement tout en agissant sur les facteurs environnementaux comme le caractère inadéquat du logement et des ressources de soutien;
    • intégrer les interventions pénales, notamment celles des tribunaux spécialisés en toxicomanie et en santé mentale.
  3. Agir sur les problèmes complexes qu'éprouvent les délinquants souffrant de troubles mentaux par l'intermédiaire d'équipes intégrées d'intervenants des milieux de la santé mentale, des services sociaux et de la justice pénale. Pour coordonner efficacement les services, confier à une seule personne le pouvoir d'assurer l'accès aux services requis.
  4. Accorder une attention particulière aux besoins des femmes.

Pour consulter le rapport intégral : www.icclr.law.ubc.ca.

Hidden in plain sight: challenges to identifying, investigating and prosecuting human trafficking [En anglais seulement]

Amy Farrell et Jack McDevitt

La traite de personnes, forme moderne d'esclavage, consiste à pousser les victimes vers le travail forcé ou l'exploitation sexuelle par la tromperie ou la contrainte. Ces victimes ne sont pas toujours violentées ou transportées dans un pays étranger. On peut recourir à des menaces psychologiques ou à la fraude pour les maintenir dans la servitude, même dans leur propre ville.

Pour mieux cerner les difficultés liées au repérage de ces cas ainsi qu'aux enquêtes et aux poursuites connexes, nous avons, avec des collègues de l'Urban Institute , examiné 140 affaires réglées et tenu des entrevues approfondies avec les policiers, les procureurs et les fournisseurs de services aux victimes qui y avaient travaillé dans 12 comtés des États-Unis.

Dans les comtés visés, la vaste majorité des cas relevés par la police concernaient la traite à des fins sexuelles (86 p. 100 de 152 dossiers). Une proportion beaucoup plus faible des enquêtes portait sur la traite à des fins de travail (9 p. 100) ou à des fins de travail et d'exploitation sexuelle (5 p. 100). La plupart des victimes étaient de sexe féminin (89 p. 100).

Prendre l'initiative d'enquêter

Les victimes de traite se fondent souvent dans le décor. Elles peuvent fréquenter des lieux publics lorsqu'elles travaillent, mais leurs bourreaux les empêchent de fuir par divers moyens.

Certaines sont menacées de violence. D'autres font l'objet d'une coercition psychologique : pour les maintenir dans un état de servitude, on peut les priver d'eau et de nourriture, contrôler leur accès à l'information ou menacer de les dénoncer à la police.

Les victimes se reprochent souvent de s'être mises dans le pétrin.

Dans les cas que nous avons étudiés, beaucoup de victimes qui étaient sorties de l'ombre avaient eu besoin de tisser des liens avec un policier ou plus souvent avec un fournisseur de services aux victimes pendant un certain temps avant de s'ouvrir et de croire que la police pourrait les protéger.

Dans les dossiers que nous avons examinés, le repérage était le plus souvent attribuable à un renseignement obtenu grâce à un membre de la communauté, à un organisme de services aux victimes ou à une ligne téléphonique spéciale (39 p. 100 des enquêtes). Rares étaient les dossiers où la victime avait elle-même signalé sa situation à la police (10 p. 100), et encore plus, ceux où la traite avait été constatée à la suite d'une demande d'intervention (3 p. 100 des cas).

Puisque tant de victimes ne font jamais appel à la police, celle-ci doit mettre au point des stratégies proactives afin de les repérer dans la communauté. Elle pourrait s'inspirer des techniques utilisées dans le cadre d'enquêtes sur le crime organisé pour monter un dossier contre les trafiquants; par exemple, se pencher sur les opérations financières, les activités de blanchiment d'argent, les transactions immobilières et les dossiers de constitution en société de ceux qui exploitent une maison de prostitution ou un commerce où travaillent des victimes.

La police devrait aussi élargir la portée de ses enquêtes sur la traite de personnes pour qu'elles aillent au-delà de la seule exploitation à des fins sexuelles.

À ce jour, peu de cas de traite de main-d'œuvre ont fait l'objet de poursuites aux États-Unis. Les corps policiers locaux devront peut-être collaborer avec des organes de réglementation comme le département du travail de leur État et les services d'application des règlements municipaux pour enquêter de façon proactive sur les cas possibles de ce genre dans leur communauté.

Pour consulter le rapport intégral : www.nij.gov.

Date de modification :