Deux policiers, debout côte à côte à l'avant d'une mosquée, s'adressent aux personnes qui y sont rassemblées un vendredi soir du mois sacré du ramadan.
Les deux policiers, le cap. Anthony Statham de la GRC et l'agent-détective Gareth Blount du service de police de New Westminster font partie de l'Équipe des crimes haineux de la Colombie-Britannique (C.-B.). Selon le cap. Statham, leur message est simple : « La police est là pour vous. Nous voulons que vous signaliez les incidents dont vous avez connaissance pour que nous puissions ensuite enquêter.
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Selon un rapport récent de Statistique Canada, les signalements de crimes haineux ont diminué au Canada de 2013 à 2015, mais les crimes haineux contre des Canadiens musulmans ont plus que triplé au cours de la même période, passant de 45 à 159.
Le cap. Statham croit qu'un nombre encore plus grand d'incidents ne sont jamais signalés.
Mis au courant de cette tendance, les membres de l'Équipe des crimes haineux ont décidé de se rendre dans les mosquées et les centres musulmans de prière de la C.-B. pour faire savoir à la communauté que la police pouvait lui venir en aide.
« Là d'où ils viennent, on ne fait pas nécessairement confiance à la police, explique le cap. Statham. Il est de notre devoir de faire l'effort d'entrer en contact avec eux pour leur parler des crimes haineux et de la police et d'assurer une présence bienfaisante auprès d'eux.
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Un crime compliqué
L'Équipe des crimes haineux est la seule du genre à la GRC.
Les deux policiers qui font partie de l'équipe à temps plein enquêtent sur les crimes haineux et prêtent main-forte aux policiers de la C.-B. et d'ailleurs au pays qui s'occupent d'incidents criminels que l'on soupçonne être motivés par la haine ou les préjugés.
« Les crimes haineux sont méconnus, affirme l'agent-détective Blount. Je crois que chaque crime haineux est unique à cause des répercussions complexes qu'il a sur la personne et sur la communauté.
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Au Canada, certains incidents criminels peuvent être motivés par la haine. Dans ces cas, les contrevenants sont accusés d'un crime : agression ou profération de menaces par exemple. Mais les avocats de la Couronne peuvent demander à ce que la désignation de crime haineux soit appliquée, ce qui peut alourdir la peine.
Certains articles du Code criminel du Canada désignent des crimes haineux à part entière : la propagande haineuse, l'incitation publique à la haine et méfaits commis à l'égard d'objets liés au culte religieux.
« De nos jours, la propagande haineuse en ligne n'est pas rare, poursuit l'agent-détective. Elle consiste habituellement à dénigrer des personnes ou un groupe à cause de leur religion, de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle ou d'autres facteurs distinctifs.
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Mais en plus d'enquêter sur les crimes haineux, l'équipe mise sur le dialogue.
Depuis que les membres de l'équipe ont lancé l'initiative durant le ramadan en 2017 (du 27 mai au 25 juin), ils ont déjà parlé à plus de 2 500 personnes dans la province. Ces rencontres ont souvent été menées conjointement avec la Police des transports publics du Grand Vancouver, un partenaire clé dans la sensibilisation aux crimes haineux.
La police a aussi collaboré avec l'équipe d'Islam Unravelled, un projet éducatif qui présente une image positive et juste des croyances musulmanes, pour faciliter l'établissement de liens avec les mosquées et les centres de prière.
Il est crucial de nouer des liens avec la communauté musulmane pour accroître les signalements de crimes haineux, car les membres de cette communauté se méfient souvent de la police, déclare Tariq Tyab, d'Islam Unravelled. Souvent, dans la communauté musulmane, les gens hésitent à faire intervenir la police dans leur pays d'origine parce que ça cause plus de problèmes que ça en règle, explique-t-il.
Il soutient que l'initiative de l'Équipe des crimes haineux change la perception que les gens ont de la police au Canada.
« Les gens sont intéressés parce qu'ils s'inquiètent pour les membres de leur famille, ajoute-t-il. Ils sont à l'aise de rencontrer des policiers et comprennent qu'ils doivent signaler les crimes haineux, même ceux qui semblent mineurs, et qu'ils peuvent le faire sans crainte.
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Après chaque rencontre, plusieurs personnes viennent discuter avec l'agent-détective Blount et le cap. Statham, parler de leur vécu, leur serrer la main et les remercier.
« Il n'y a rien de mieux que d'aller parler aux gens dans leur milieu, conclut l'agent-détective Blount. Nous avons la chance de pouvoir aller parler aux gens en personne et leur livrer un message positif : ensemble, nous pouvons changer les choses.
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