Depuis la Prohibition des années 1920, des patrouilleurs font de l'interception et de l'intervention contre toutes sortes d'activités criminelles et dangereuses. Au fil des ans, les services de police ont multiplié les efforts d'interception, auprès des conducteurs ivres dans les années 1980, des trafiquants de drogues dans les années 1990 et, depuis 2001, contre le terrorisme afin de défendre la sécurité intérieure. Si chaque nouvelle initiative appelle une formation, une sensibilisation et des ressources particulières, une constante demeure : ce sont les agents de première ligne qui en sont les piliers.
En 2007, les patrouilleurs du Service texan de la sécurité publique (DPS) ont commencé à s'interroger sur l'aide qu'ils pourraient apporter aux enfants. Les patrouilleurs ont-ils besoin d'une formation particulière pour se familiariser avec le phénomène des enfants en danger? De quoi a l'air un enfant disparu, exploité ou à risque? Surtout, à quoi le reconnaître lors d'un contrôle routier, d'une intervention ou d'un échange amical?
Ils ont rapidement compris qu'il n'y avait pas de réponses simples à ces questions, puisqu'une foule de variables les modulent. L'enfant a-t-il été enlevé? Si tel est le cas, avec qui se trouve-t-il? L'enfant a-t-il fui les abus vécus à la maison ou a-t-il été attiré loin des siens par un criminel?
Des experts dans leurs domaines connaissaient les réponses à ces questions, mais curieusement, ce savoir n'avait jamais été enseigné aux gens mêmes qui, par leurs fonctions, étaient le plus susceptibles de rencontrer des enfants dans le besoin — les patrouilleurs.
Le Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés (CNPDRN) de la GRC fait état de 45 288 signalements de disparition d'enfants au Canada en 2015. En gardant ce chiffre à l'esprit, voyons ces données troublantes de Statistique Canada pour 2014 :
- 53 647 victimes de crimes violents signalés à la police avaient moins de 18 ans.
- Chez les jeunes victimes de violence familiale signalée à la police, trois sur cinq subissaient la violence d'un de leurs parents.
- Les jeunes de 12 à 17 ans étaient les plus à risque (370 par 100 000) de subir des sévices sexuels aux mains d'un proche ou d'un étranger, y compris une agression sexuelle.
- Par ailleurs, le Canada comptait, en 2014, quelque 68 000 officiers brevetés.
En tant que société, combien de ces policiers voulons-nous voir chercher les enfants victimes d'abus, de négligence et d'exploitation? Si votre enfant disparaissait, combien de ces policiers voudriez-vous voir chercher votre enfant?
Nous avons là une occasion en or de mieux protéger les plus vulnérables parmi nous — nos enfants — à l'échelle planétaire. Il suffit de former adéquatement les policiers et de les mettre à contribution.
Adhérer à une stratégie gagnante
Le Service texan de la sécurité publique emploie environ 3 000 officiers brevetés, affectés pour la plupart à la patrouille routière. En 2007, le DPS a approché des agences fédérales, des procureurs, des organismes non gouvernementaux et des professionnels des services aux victimes et de la protection de l'enfance en vue d'élaborer une formation adaptée aux besoins des détectives et des équipes spécialisées.
Plusieurs initiatives aidaient alors à reconnaître les enfants disparus, exploités ou à risque et à travailler avec eux, mais peu prévoyaient la formation des patrouilleurs et le recours à leurs services.
Pour reconnaître et repérer les enfants disparus, exploités et à risque, le DPS souhaitait appliquer la même stratégie d'intervention déjà utilisée avec succès pour réduire les accidents, la conduite avec les facultés affaiblies et le trafic de drogues. Le service a constitué une équipe multidisciplinaire regroupant des patrouilleurs, des enquêteurs, des analystes du renseignement, des professionnels des services aux victimes et de la protection de l'enfance ainsi que des formateurs afin d'élaborer et de mettre en œuvre un programme d'interception pour la protection des enfants (IPC).
Le DPS a jugé une telle formation nécessaire quand il a constaté qu'en 2008, ses agents avaient effectué plus de 2,5 millions de contrôles routiers sans pouvoir revendiquer pour autant le moindre sauvetage d'un enfant disparu, exploité ou à risque. Il n'était hélas pas le seul dans cette situation. Quand en 2012 le DPS a commencé à confier son programme IPC à des organismes américains, canadiens, australiens et anglais d'application de la loi, il a constaté que la plupart ne faisait aucune saisie ni aucun suivi de cette donnée.
Ainsi, 10 services sondés avaient procédé ensemble à 3,5 millions de contrôles routiers et aucun n'a pu rendre compte du sauvetage d'un seul enfant disparu, exploité ou à risque. Ces services ont été en contact avec de tels enfants, mais aucun ne pouvait dire de combien.
En l'absence d'information, il est difficile pour un organisme de lutter contre l'abus, la négligence et l'exploitation des enfants autant que de retrouver les enfants disparus. Les membres de l'équipe ont conclu qu'il fallait mieux former et sensibiliser les policiers pour qu'ils puissent reconnaître les indices qui leur révéleraient la présence d'un enfant disparu, à risque ou victime d'un crime quelconque.
Les policiers doivent parler aux enfants
Le programme IPC a mis en lumière une leçon essentielle : les policiers ne doivent plus attendre qu'un enfant demande de l'aide. On a tort de penser que les victimes d'un crime vont instinctivement demander de l'aide. Plusieurs facteurs pourraient amener un enfant à nier subir des abus ou à éviter de demander de l'aide : son âge, son développement, les menaces de son bourreau ou la durée et la portée des abus.
Attendre qu'une jeune victime demande de l'aide pose sur ses épaules un fardeau indu. C'est pourquoi le programme IPC favorise l'approche axée sur la victime lorsqu'un policier rencontre un enfant. À cette fin, le policier interagit avec tous les enfants qu'il croise, même en présence de leurs parents biologiques, afin d'essayer de déterminer s'ils sont en sécurité.
Depuis que la formation a commencé, en 2009, les patrouilleurs routiers du Texas ont participé au sauvetage de plus de 200 enfants et fait ouvrir plus de 70 enquêtes sur des enlèvements, la traite de personnes, l'abus d'enfants et des agressions sexuelles.
Le DPS s'est associé à plusieurs agences pour mener des opérations comptant sur la patrouille afin de trouver des enfants en danger. Il s'est associé aussi aux spécialistes de l'analyse du comportement des US Marshals afin d'étudier les indices du comportement typique des prédateurs qui pourraient s'en prendre à des enfants.
Essentiellement, les leçons apprises grâce au programme IPC s'appliquent à toutes les collectivités et provinces, à tous les États et pays. Elles ne changent pas aux frontières. En 2012, le DPS texan est venu en sol canadien partager ce qu'il avait appris. Il a d'abord travaillé avec le Centre canadien de protection de l'enfance, puis après plusieurs visites, avec la GRC.
« Du travail que nous faisons auprès des victimes, nous savons qu'elles demandent rarement de l'aide, pour diverses raisons. La philosophie axée sur la victime du programme IPC est une pratique exemplaire et il est évident que de former les policiers à déceler les situations à risque permettra de sauver la vie d'enfants, estime Christy Dzikowicz, directrice de la Division de la sécurité des enfants et de la défense des familles au Centre canadien de protection de l'enfance. Nous sommes fiers de collaborer avec le DPS et d'apporter ces connaissances au Canada. »
Le DPS et la collectivité canadienne de l'application de la loi continuent de travailler ensemble, de s'échanger de l'information et de la formation afin d'améliorer les compétences des policiers en vue de leurs éventuelles rencontres avec des enfants en danger. Le DPS est fier de son programme et entend en faire profiter un maximum de policiers.
Il faut collaborer à la protection des enfants, sans égard aux frontières. Grâce à une bonne formation et à une bonne information, les organismes d'application de la loi, de quelque niveau qu'ils soient, accroîtront leurs chances de sauver des enfants et d'appréhender des criminels qui ne leur veulent pas de bien. Nous invitons tout organisme qui n'aurait pas encore pris connaissance de cette formation à s'en informer sans tarder, afin de mieux former et préparer ses agents de première ligne et surtout de protéger les enfants de toutes nos collectivités.