Au beau milieu de la nuit, dans les villes canadiennes, peu d'immeubles à bureaux ou de lieux publics chauffés sont ouverts, et il peut être difficile pour quelqu'un d'avoir de l'aide, de prendre un café chaud ou de trouver un endroit sécuritaire où dormir. Pourtant, des gens et des endroits sont à la disposition des personnes dans le besoin dans de nombreuses villes du monde.
Des fournisseurs de services d'urgence (refuges, services de santé d'urgence, services policiers, etc.) forment des partenariats officiels et non officiels qui s'avèrent essentiels. La collaboration est la seule voie à suivre.
L'Armée du Salut et les services de police travaillent en partenariat depuis longtemps du fait qu'ils œuvrent auprès des personnes les plus marginalisées et souvent les plus vulnérables de la société. Aucun groupe ou service ne peut tout accomplir seul.
Chaque intervention dicte sa propre forme de collaboration. Les policiers peuvent intervenir dans un éventail de situations où des personnes ont différents besoins, comme un lieu sécuritaire où dormir et manger, quelqu'un pour les écouter et les aider dans les moments difficiles, des vêtements et des effets qui les aideront à prendre un nouveau départ, de l'aide spirituelle et psychologique, un accompagnateur à la cour ou un programme de traitement d'une dépendance.
Les policiers aident l'Armée du Salut à remplir sa mission, non seulement en servant d'intermédiaires entre l'organisme et les personnes dans le besoin, mais également en siégeant à plusieurs comités communautaires et consultatifs de l'organisme et en participant à des initiatives de sensibilisation et de formation ainsi qu'à des activités et à des programmes généraux.
Instaurés par les deux parties, ces partenariats favorisent le respect et la confiance mutuels, les aident à surmonter les situations difficiles et donnent lieu à des programmes très novateurs.
L'exemple de Winnipeg
L'Armée du Salut de Winnipeg, au Manitoba, bénéficie grandement de l'aide de membres de la communauté et particulièrement du Service de police de Winnipeg et de la GRC, qui se réunissent régulièrement pour discuter des programmes et des initiatives liés à l'exploitation par la prostitution et la traite de personnes.
Le comité en question, qui tient des réunions périodiques depuis plus de 15 ans, a défini quelques principes de base utiles au moment d'établir des partenariats :
- fixer des objectifs précis et pratiques;
- prendre le temps d'écouter;
- faire preuve de souplesse (accepter de ne pas toujours être d'accord);
- se réunir dans un lieu calme et sûr;
- trouver un équilibre entre le caractère formel et informel ;
- souligner les réussites et en tirer parti;
- être prêt à offrir de l'aide même si cela n'est pas avantageux pour l'organisation.
Le comité consultatif de Winnipeg se compose d'employés de l'Armée du Salut et des services correctionnels et judiciaires de la province, de représentants d'organismes, de groupes et de la communauté, de policiers municipaux et de la GRC qui se spécialisent dans les domaines ciblés et de personnes ayant vécu des situations d'exploitation.
Même si les membres du comité viennent de divers horizons et connaissent différentes théories et méthodes de prestation de services, ils partagent tous l'objectif d'aider à améliorer la vie des personnes avec qui ils sont en contact.
Les organisations dont des membres siègent au comité consultatif offrent ces services en nature, et leurs représentants, même si leurs mandats diffèrent, partagent une éthique de travail et des valeurs selon lesquelles toutes les victimes d'exploitation ont droit à la dignité et au respect.
Les avantages de cette collaboration sont considérables pour tous les participants. Il est rassurant de discuter en groupe de difficultés rencontrées, on apprend de l'expérience des autres. Le fait de travailler avec des visages familiers facilite grandement la communication lorsqu'on cherche, par exemple, un refuge sécuritaire, un agent d'aide au revenu, un organisme de soutien psychologique, un programme de traitement des dépendances ou un groupe de soutien. Et les membres du comité sont en mesure de travailler en équipe en passant par tous les systèmes en place afin d'aider le mieux possible les personnes vulnérables.
Des défis
Ce genre de partenariat présente aussi son lot de défis, notamment le taux élevé de roulement chez les représentants, surtout les policiers. Il faut du temps pour développer des relations, et les changements fréquents à la composition du comité, même s'ils sont nécessaires, peuvent perturber les activités de ce dernier. Compte tenu aussi du roulement de personnel à l'Armée du Salut, il importe de veiller à ce que les projets soient intégrés aux rouages de l'organisme.
Un autre défi découle de la nature même du travail policier. Par exemple, un policier peut intervenir auprès d'une personne dans le besoin qu'il a arrêtée la semaine précédente. Il est important que tous les acteurs soient conscients de la complexité des relations en cause.
Plus tôt cette année, on a posé deux questions, de façon informelle, à des policiers et à des intervenants de première ligne de l'Armée du Salut et d'autres organismes afin de déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait être amélioré dans les relations de travail pour aider les personnes vulnérables.
En quoi l'autre peut-il vous aider à prêter assistance aux victimes d'exploitation?
En quoi l'autre peut-il vous aider à nouer et à maintenir des relations de travail positives?
Les réponses à ces questions sont franches et très semblables dans la plupart des cas. Le personnel de l'Armée du Salut et les membres de groupes d'aide et de services de police ont les exigences suivantes envers leurs partenaires au moment de prêter assistance aux victimes et aux personnes vulnérables :
- faire preuve d'impartialité, ne pas juger les gens et ne pas avoir de préjugés à l'égard d'une situation donnée;
- favoriser la compréhension mutuelle des objectifs de l'aide à une personne vulnérable;
- respecter la confidentialité;
- intervenir de façon concertée;
- il faut plus de ressources dans tous les secteurs pour soutenir les personnes vulnérables et exploitées.
On a également constaté des similitudes dans les réponses à la deuxième question :
- comprendre les limites des politiques et des procédures en vigueur dans les organisations;
- favoriser la libre communication pour que l'on tienne compte des réalités de l'autre organisation et mieux comprendre les mesures prises par celle-ci.
Les policiers ont donné des réponses précises à la première question :
- des ressources plus accessibles et souples ou la capacité d'aiguiller des personnes vers de multiples services adaptés le plus possible à leurs besoins;
- plus de soutien à la recherche et à la gestion de ressources pour les personnes vulnérables.
Une stratégie de portée internationale
Des collaborations comme celle entre l'Armée du Salut et le service de police à Winnipeg existent partout au Canada, tout comme à l'échelle internationale.
L'exploitation est endémique dans les villes de partout dans le monde. Dans un quartier de prostitution, une jeune victime d'exploitation a pu se rétablir et guérir grâce à l'Armée du Salut. Ce quartier compte un grand nombre de maisons de débauche, où environ 9 000 personnes, dont de nombreux enfants, sont impliquées dans la prostitution.
L'Armée du Salut offre des soins à ces femmes et particulièrement aux enfants qui sont sauvés par la police. Ces soins prennent en compte l'ensemble de la personne (lieu sûr, repas santé, accès à l'éducation et à la formation, renforcement de l'autonomie et réseautage social) et sont offerts dans un cadre chaleureux et bienveillant.
Autre exemple : un garçon qui avait été enlevé afin d'être exploité comme gardien de troupeau dans un pays voisin a été retrouvé et remis sur pied grâce à la collaboration de la police, de la communauté et du personnel de l'Armée du Salut.
L'Armée du Salut est très reconnaissante envers ses partenaires policiers, avec qui, par exemple, elle échange des idées afin d'améliorer le travail et la collaboration au service des personnes marginalisées, et avec qui elle peut venir en aide, au beau milieu de la nuit, à une femme sans ressources qui n'a nulle part où dormir.
Dianna Bussey est une travailleuse sociale qui a occupé différents rôles au sein de l'Armée du Salut à Winnipeg depuis 1992. Elle est aussi consultante pour les services sociaux liés à la traite de personnes de l'Armée du Salut du territoire du Canada et des Bermudes, l'une des initiatives internationales de l'organisation pour la lutte contre la traite de personnes.