En janvier dernier, la GRC a contribué pour la première fois à empêcher un agresseur sexuel d'enfants condamné d'entrer dans un autre pays, et ce, grâce aux modifications apportées à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS) et à une bonne collaboration.
La veille d'un vol Toronto-Sosua Bay (République dominicaine), une destination fréquentée par les pédophiles transnationaux, des agents du Registre national des délinquants sexuels (RNDS) et du Programme des délinquants sexuels à risque élevé (PDSRE) ont déterminé que l'homme présentait un risque élevé de récidive, explique le s.é.-m. Alain Gagnon de la GRC.
Ils ont donc prévenu les autorités dominicaines, qui ont refoulé le délinquant à son arrivée et l'ont renvoyé au Canada par le même avion.
« Elles auraient pu se contenter de dire "Merci, laissez le gars venir" ou le surveiller pour voir s'il allait descendre à l'endroit qu'il avait indiqué, dit le cap. David Elliott, qui a supervisé l'évaluation du risque posé par le délinquant. Mais, elles se sont plutôt fiées à notre évaluation et c'est tant mieux. »
Le cap. Elliott est responsable des opérations du PDSRE, créé en 2016 dans la foulée des modifications apportées à la LERDS.
La loi aide à prévenir les crimes sexuels et à enquêter en obligeant les délinquants sexuels à s'inscrire au RNDS et à fournir certains renseignements à la police au moins une fois par année.
Règles du registre
En janvier 2019, le registre comptait plus de 51 000 noms selon la GRC. De ce nombre, environ 73 p. 100 sont des agresseurs sexuels d'enfants.
L'inscription au registre est à vie. Le délinquant doit se présenter en personne à la police au moins une fois par année pendant 10 ans, 20 ans ou à perpétuité, selon ce que prévoit sa condamnation. Jusqu'à 80 éléments d'information sont entrés dans une base de données accessible aux organismes d'application de la loi canadiens et étrangers.
Désormais, la loi oblige les agresseurs sexuels d'enfants enregistrés à communiquer les renseignements relatifs à leur permis de conduire et à leur passeport ainsi que leurs plans de voyage, faute de quoi ils pourraient retourner en prison.
« S'ils ne le font pas ou le font à la dernière minute, c'est un signal d'alarme pour nous », dit le cap. Elliott.
Et si son service détermine qu'un délinquant présente un risque élevé, il peut maintenant communiquer les renseignements à ses organismes partenaires, y compris d'autres services de police – au Canada ou à l'étranger – et à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Voyageurs à risque élevé
Chad Barter est agent de renseignements à l'ASFC. Depuis deux ans, il est détaché auprès de la GRC à Ottawa et fournit des renseignements utiles sur les voyageurs aux enquêteurs.
Il peut ainsi divulguer une kyrielle de renseignements normalement protégés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme l'historique des voyages aériens, le numéro de siège, le poids et le nombre de bagages, les réservations d'hôtel, les numéros de carte de crédit et les éventuels compagnons de voyage.
Dans l'affaire de janvier, M. Barter a découvert que le délinquant se rendait fréquemment dans des endroits connus pour être zones d'exploitation sexuelle d'enfants.
Ce facteur, combiné aux résultats de l'évaluation du risque de récidive, a joué un rôle crucial dans la décision du cap. Elliott de désigner le délinquant comme voyageur à risque élevé.
À la demande de la GRC, M. Barter a créé un avis de surveillance qui s'affiche à l'écran lorsqu'une personne passe les douanes à son retour au Canada afin qu'elle soit conduite vers une salle d'interrogatoire. Ses effets personnels, y compris les appareils électroniques, sont également fouillés à la recherche d'images d'exploitation d'enfants ou d'autres indicateurs d'activités illégales pendant le séjour à l'étranger.
« Si c'est comme au Canada, le délinquant n'entrera plus jamais en République dominicaine », ajoute-t-il.
Avec l'inscription de 2500 à 3500 nouveaux noms au registre chaque année, M. Gagnon croit qu'il est plus important que jamais de continuer à collaborer avec des partenaires, comme le Centre national des crimes d'exploitation d'enfants de la GRC, afin que les agents qui enquêtent sur les crimes sexuels aient accès à des données à jour.
« C'est l'un des emplois les plus gratifiants que j'ai eus au cours de mes 29 années à la GRC, s'exclame-t-il. Ce que nous faisons fait vraiment une différence. »