Dans la campagne et le nord canadiens, les villages sont petits, les ressources, rares et la violence familiale, rampante. Selon Statistique Canada, aux Territoires du Nord-Ouest, le nord du nord, le taux de violence par un partenaire intime (VPI) est sept fois supérieur à la moyenne nationale.
« On a vu des femmes rejoindre la route à motoneige pour y être cueillies par une sœur afin de gagner un refuge. On en a vu d'autres sauter de la camionnette et dans un taxi pendant que leur conjoint faisait le plein d'alcool, rappelle Lyda Fuller, directrice exécutive du YWCA à Yellowknife (TNO). Dans les petits villages, c'est assez courant. »
Les statistiques nationales sont maintenant combinées aux données de la GRC et aux entrevues des travailleurs de première ligne dans une étude quinquennale qui se conclura à la fin de 2016. Cette étude offrira le tout premier portrait détaillé de la VPI en milieu rural et nordique.
L'étude des interventions en cas d'incidents de violence par un partenaire intime en milieu rural et nordique a misé sur la technologie du mappage pour faire ressortir les lieux où les infractions sont signalées, les lieux où se fait la répression et les lieux où les services sont offerts.
Sous la direction de l'Université de Regina, en Saskatchewan, des chercheurs du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et des TNO ont recueilli des données sur les infractions de violence conjugale. Avec l'aide d'organismes communautaires, comme le YWCA, ils ont déterminé les besoins des victimes de VPI et ce qu'il reste à offrir pour y répondre.
« Dans ces communautés, la violence est vue comme normale et nous voulons faire entendre que ce n'est pas la norme, que nous pouvons y mettre un terme », explique Pertice Moffitt, chercheuse principale aux TNO.
L'étude a mis en lumière des aspects où les services pouvaient être améliorés afin de créer des collectivités non violentes et d'en assurer la viabilité.
Intimité isolée
Aux TNO, un village sur trois n'a pas de présence policière. Souvent, surtout en milieu rural et nordique, un même détachement de la GRC doit couvrir un vaste territoire.
Or en plus d'être isolés, les villages sont pour la plupart très petits — sur 33, 27 comptent moins de 1 000 habitants. Bon nombre de ces secteurs n'ont donc pas un accès facile à des travailleurs sociaux et à des services aux victimes. Il n'y a que cinq refuges pour femmes dans le territoire.
« L'offre de service présente de grands trous dans le territoire, reconnaît Mme Moffitt. Mais la VPI existe dans toutes les collectivités, même celles où les ressources ne sont pas disponibles. »
Elle affirme que les résidants de la campagne et du nord se butent à une foule d'obstacles pour se mettre à l'abri de la violence de proches. L'isolement, le manque d'hébergement, l'accès limité au transport, l'absence de technologie et divers facteurs socio-économiques, tels que les revenus et la culture, peuvent empêcher la victime d'obtenir de l'aide.
« Les femmes se sentent les mains liées, déplore Mme Moffitt. Elles peuvent se présenter à un refuge, mais en en sortant, elles retrouvent la situation qu'elles avaient fuie. Vers qui se tourner, alors? Comment y arriver? Certaines ne le savent pas, et c'est l'information que nous essayons de leur transmettre. »
Aide d'urgence
La sensibilisation n'est pas importante que dans la collectivité, mais aussi auprès des fournisseurs de services et de la GRC dans les milieux isolés.
Dans un second volet, l'étude a nécessité le mappage des ordonnances de protection d'urgence (OPU) enregistrées par des policiers de la GRC dans tous les TNO. Au même titre qu'une ordonnance de non-communication, l'OPU imposée par un tribunal protège la victime en interdisant à son abuseur de s'en approcher.
« Là où on voit beaucoup d'OPU, je devine que les travailleurs de première ligne connaissent les ressources à leur disposition, explique le serg. Greg Towler, des Enquêtes criminelles dans les TNO. S'il y a un secteur qui présente à la fois un taux élevé de VPI et peu d'OPU, c'est là où il faudra d'abord offrir notre formation et faire notre sensibilisation. »
Il importe de s'assurer que les policiers de la GRC — qui sont souvent les premiers intervenants et les seules ressources dans la communauté — connaissent les services, les ressources et les avenues pour soutenir les victimes afin d'enrayer le problème, estime le serg. Towler.
Les résultats de l'étude seront communiqués aux travailleurs communautaires, aux décideurs et aux services gouvernementaux à la fin de cette année. Entre-temps, Mme Fuller croit qu'il importe que la collectivité participe activement à la prévention de la violence par un partenaire.
« Il faut que les collectivités fassent partie des solutions, qu'elles décident de ce qu'elles vont faire pour contrer la violence par un partenaire intime, précise-t-elle. Il faut donner aux collectivités le pouvoir d'ouvrir le dialogue et d'offrir des refuges sûrs aux victimes. L'avenir doit favoriser l'apprentissage et la croissance de l'ensemble de la collectivité. »