Selon la Banque mondiale, plus d'un billion de dollars sont versés en pots-de-vin chaque année. Désormais, la GRC collabore avec des chercheurs et l'industrie en vue de créer un centre axé sur la lutte à la corruption au pays.
Mis sur pied par l'Université d'Ottawa en décembre dernier, le Centre canadien d'excellence contre la corruption (CCECC) constitue une plaque tournante de renseignements et de réseautage.
« Le Canada assume un rôle de premier plan dans le monde, souligne Garrick Apollon, professeur à l'Université d'Ottawa et cofondateur du Centre. « Notre équipe constituera un centre d'études et de recherches pour le reste du monde.
Le Centre offrira gratuitement des renseignements, des outils et de la formation aux partenaires de l'industrie, en particulier aux petites et moyennes entreprises, aux organismes non gouvernementaux et aux organismes de bienfaisance. Il s'agit de favoriser les échanges, de fournir des ressources et de mettre en commun les pratiques exemplaires.
« La corruption, c'est ce qui détruit les fibres de la démocratie et la règle de droit, explique M. Apollon. Ce fléau sévit non seulement dans les pays en développement, mais chez nous également. »
Le Centre réunit un éventail de spécialistes : dirigeants d'entreprise, avocats, universitaires, étudiants et représentants de la police. Cette démarche coopérative permet à la GRC de sévir contre la criminalité en col blanc avec une plus grande efficacité.
« Les enquêtes anticorruption sont fastidieuses et complexes », précise
le serg. Patrice Poitevin, enquêteur à la Division nationale de la GRC à Ottawa, dont le mandat consiste à enquêter sur les menaces à l'intégrité économique du Canada. « Notre efficacité repose sur une démarche équilibrée de prévention et de répression. »
Mobilisation d'entreprises
La GRC prévoit mettre à profit les études récentes produites par les experts à l'Université d'Ottawa pour sensibiliser les entreprises aux lois anticorruption. Le serg. Poitevin explique qu'il faut surtout faire connaître les conséquences de la corruption et les moyens pour les sociétés publiques et privées d'atténuer les risques.
Pour changer les comportements et les normes sociales dans les entreprises, les lois ne sont pas suffisantes, il faut promouvoir la gouvernance éthique, précise le serg. Poitevin, d'où la nécessité de former et de sensibiliser les intervenants. »
De nombreuses petites et moyennes entreprises ne disposent pas des ressources nécessaires pour mettre en place un plan anticorruption. Jusqu'ici, le CCECC a offert une formation gratuite à plusieurs entreprises, y compris JCM Capital, une société d'énergie propre axée sur les nouveaux marchés.
« Dans les premiers temps, nous n'étions pas informés et nous n'avions aucune idée de la gravité du problème, explique Martin Ritchie, directeur de la gestion du risque et cofondateur de JCM Capital. Nous étions un peu naïfs, et nous n'avions pas de budget à investir dans ce secteur. »
La société de M. Ritchie exerce ses activités dans les régions parmi les plus dangereuses du globe, notamment au Tchad et au Nigeria. Ces dernières années, JCM Capital a été exposée à des stratagèmes de pots-de-vin. Aujourd'hui, M. Ritchie est conscient des avantages d'investir dans un programme anticorruption.
Il est utile pour notre société de collaborer avec le Centre à des campagnes de financement, au développement d'entreprises et à l'attraction et au maintien de talents de premier ordre, explique M. Ritchie. Pour de multiples raisons, il importe d'être perçu favorablement sur le plan de l'éthique par le marché. »
Le Centre offre également aux entreprises comme JCM Capital la possibilité de mettre en commun leur expérience et leurs pratiques exemplaires.
Mobilisation d'universitaires
Dans la dernière décennie, les entreprises à l'échelle mondiale ont amorcé un virage vers une transparence et une responsabilisation accrues. Les scandales de corruption comme ceux qui ont éclaboussé la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et Volkswagen ont porté le problème à l'avant-scène.
« La corruption fait l'objet d'une répression policière, ainsi que d'une sensibilisation et d'une opposition accrues de la part de la
société, souligne le serg. Poitevin. Désormais, les entreprises aux pratiques conformes à l'éthique jouissent d'un avantage sur la concurrence. »
Le projet mobilise les universitaires et les étudiants. Des étudiants en administration comme Alex Puppa à l'Université d'Ottawa veulent en apprendre le plus possible pour réussir dans leur carrière.
« Nous sommes les leaders de demain, explique-t-il. La formation théorique, c'est bien, mais il importe aussi d'obtenir une expérience pratique des problèmes afin de contribuer à la solution. »
Le Centre mobilisera cinq autres universités du pays, ainsi que l'Université du Sussex au Royaume-Uni.
« La participation d'une organisation comme la GRC confère une légitimité accrue au projet, qui ne concerne pas juste certaines sociétés, explique Alex Puppa. Tout le pays se mobilise dans cette initiative. »