La Bolivie est un pays source connu pour la traite de personnes et le travail forcé. Quand l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l'Ambassade des États-Unis (É.-U.) à La Paz ont voulu sensibiliser le peuple bolivien à ces problèmes, ils ont décidé de se servir du médium le plus efficace au pays : la radio.
Avec l'aide de PCI Media Impact, l'ONUDC et l'Ambassade des É.-U. ont créé La Caldera, un feuilleton radio de 21 épisodes visant à renseigner les auditeurs, au moyen d'exemples réels, sur les formes les plus courantes que revêt la traite de personnes en Bolivie. L'émission cible les jeunes à faible revenu qui forment le groupe considéré le plus à risque.
« Nous sommes allés rencontrer des gens qui travaillent à ce genre de dossiers et des membres d'organisations non gouvernementales qui tentent d'aider et de protéger les victimes. Le projet est donc vraiment adapté à la réalité bolivienne », explique Antonino de Leo du bureau bolivien de l'ONUDC.
Le souci de coller à la réalité
L'histoire se déroule dans une petite ville frontalière (La Caldera), et chaque épisode met en scène plusieurs adolescents aux prises avec différentes facettes de la traite de personnes. Canela est une jeune fille intelligente qui, après avoir été abandonnée par ses parents, se retrouve piégée dans une situation d'esclavage sexuel. Simon, un garçon de 10 ans, vient de déménager à La Caldera avec sa grand-mère et est forcé de travailler comme domestique.
Environ 155 stations de radio communautaires du pays diffusent les épisodes sur leurs ondes. Ensuite, les animateurs posent des questions aux auditeurs selon un guide de discussion préparé pour alimenter le débat, s'entretiennent avec des experts et énumèrent des mesures que les victimes peuvent prendre pour se protéger et protéger leur famille.
« Par exemple, le deuxième volet porte sur l'exploitation des travailleurs, et nous proposons aux animateurs de parler ensuite de la migration, de ses effets, de ses conséquences néfastes et de ses risques », décrit M. de Leo.
Il affirme qu'à peine deux semaines après le lancement de l'émission l'an dernier, les animateurs lui faisaient déjà part de leurs observations.
« Des gens les appelaient pour signaler des cas d'exploitation de travailleurs ou de servitude domestique; par exemple, certains se demandaient comment savoir si leur mère se faisait exploiter en Argentine ou en Espagne », ajoute-t-il.
Des personnages auxquels les Boliviens s'identifient
On a sollicité l'aide de PCI Media Impact, l'organisation sans but lucratif qui a conçu le feuilleton et la documentation connexe, vu son expérience de la production de séries dramatiques qui entraînent de réels changements de comportements.
« Si une personne tombe sous le charme d'un personnage de Famille moderne ou de Downton Abbey et qu'elle s'en sert comme modèle, elle sentira un lien viscéral avec le comportement du personnage, précise Sean Southey, directeur administratif de PCI Media Impact. Cette façon de transmettre des connaissances est très efficace et suscite des changements concrets d'attitude et de comportement. »
Plusieurs messages de base sont véhiculés dans chaque épisode, mais M. Southey essaie surtout d'amener les citoyens à signaler des comportements pouvant être liés à la traite de personnes.
Patricia Viscarra, conseillère juridique à l'Ambassade des É.-U. à La Paz, affirme que le fait que son ancienne directrice avait constaté par elle-même l'ampleur de la traite en Bolivie a amené son équipe à prendre part au projet. Celle-ci publie chaque année le Trafficking in Persons Report du département d'État américain, et l'édition de 2013 souligne la nécessité de la prévention.
Le feuilleton La Caldera étant diffusé partout au pays, Mme Viscarra a entendu des anecdotes incroyables sur les changements qu'il a engendrés.
« Une petite fille voulait fuguer parce qu'elle avait de très mauvaises notes à l'école, raconte-t-elle. Ses camarades de classe lui ont dit : "As-tu entendu dans La Caldera ce qui arrive à la fille qui est devenue victime de la traite de personnes après s'être enfuie de sa maison?" Cela nous fait prendre un peu plus conscience du grand rôle que joue la radio dans les petites villes, notamment sur le plan de la prévention. »