Vol. 77, Nº 2Dernières tendances

À la recherche d’un baume

Des expériences en rivière liées aux personnes disparues

Le Groupe des affaires non résolues cherche la carcasse d'un porc au moyen d'un transpondeur implanté sous la peau de l'animal. Crédit : Eilidh Thain

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Lorsqu'une personne est portée disparue et présumée morte, ni la famille ni les enquêteurs ne peuvent tourner la page tant que le corps n'a pas été retrouvé.

C'est pourquoi le groupe des affaires non résolues (GANR) de la GRC en Saskatche-wan ratisse chaque année les rivières afin de retrouver des personnes disparues.

Ernest Walker, Ph.D., anthropologue judiciaire au Groupe des crimes majeurs de la Saskatchewan, affirme que les corps en rivière ne sont parfois jamais retrouvés. D'où l'essai consistant à mettre quelque chose à l'eau pour savoir ce qui arrive.

« Un corps pouvant être porté sur une longue distance, nous avions besoin d'un modèle prédictif, dit-il. Nous devons connaître tous les facteurs pertinents : temps de l'année, endroit où le corps est entré dans l'eau, comment il y est entré, température et débit du cours d'eau. »

Pistage en rivière

En septembre 2013, M. Walker et son équipe ont implanté un transpondeur dans la carcasse d'un porc avant de la jeter dans la rivière Saskatchewan-Nord près de North Battleford.

« Ayant repêché des corps de la rivière en divers endroits, nous avons remarqué qu'ils voyageaient parfois plusieurs kilomètres avant d'être repérés », de dire le cap. Tyler Hadland, du GANR.

Aussitôt mise à l'eau, la carcasse est partie à la dérive, puis s'est rapidement échouée sur une barre de sable. Lorsque l'équipe a voulu la récupérer quelques jours plus tard, elle ne l'a pas retrouvée, le transpondeur non plus. Le cap. Hadland affirme qu'elle a échoué sur la rive et que des animaux l'ont dévorée et traînée en un endroit différent.
« Bref, ce n'est pas parce qu'un corps se retrouve à l'eau qu'il y reste – et c'est quelque chose à quoi nous n'avions pas pensé », explique M. Walker.

L'équipe a fait un autre essai en février 2014 dans la rivière Saskatchewan-Sud, à Saskatoon. L'eau étant froide, la carcasse a coulé au fond de la rivière et y est restée jusqu'au réchauffement printanier.

La carcasse a ensuite flotté à la dérive pour s'échouer sur la rive. À l'arrivée de l'équipe, il n'y avait plus que le transpondeur.

Collecte de données

Le serg. Kenneth Palen, du GANR, affirme que ces recherches pratiques, inhabituelles pour les groupes d'enquête, permettent de recueillir des données pouvant aider à élucider des affaires en cours ou non résolues, et servir, à l'avenir, à restreindre la zone où est recherchée une personne ayant disparu dans une étendue d'eau.

Le cap. Hadland ajoute que la participation de policiers est fort utile, car en général, ils enquêtent sur une affaire depuis le début et peuvent ainsi avoir des informations inaccessibles aux chercheurs indépendants.

L'équipe a également fait appel à l'organisme Saskatchewan Water Security.

Iain Phillips, chercheur pour cet orga-nisme provincial, participe aux expériences. Dès qu'une carcasse aura été repêchée, il exa-minera les insectes aquatiques présents sur la carcasse. Ses recherches aideront à mettre au point des outils de criminalistique pour les futures enquêtes.

« Par l'étude du cycle de vie des insectes qui ont colonisé la carcasse, il est possible de déterminer depuis combien de temps celle-ci baignait dans l'eau, explique-t-il. Bien souvent, on sait déjà d'où vient la personne repêchée. Mais lorsqu'on l'ignore, ces données nous l'apprendront.»

Pour ses futures expériences, l'équipe entend mettre à l'eau quelques carcasses en même temps pour augmenter ses chances d'en récupérer une qu'elle pourra examiner et de savoir si deux corps mis à l'eau dans les mêmes circonstances empruntent le même trajet. Le serg. Palen ajoute que le but ultime de ces recherches est de permettre aux proches des disparus de trouver un certain apaisement.

« Il est très difficile pour la famille de ne pas savoir où se trouve l'être cher. Elle sait qu'il a abouti à l'eau, mais se demande pourquoi on ne le retrouve pas et pourquoi la police ne fait rien, élabore le serg. Palen. Grâce à ces expériences et à nos recherches en milieu maritime, nous pouvons dire aux familles que le dossier est toujours ouvert et que nous continuons à ratisser les cours d'eau. »

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