Quand la serg. Beverly Zaporozan, analyste de la morphologie des taches de sang (AMTS) à la GRC, parle de la « beauté » des taches de sang (traces d'impact) qu'elle préfère, ses confrères pouffent de rire.
« Je sais que c'est drôle, dire qu'une tache de sang est belle, déclare la serg. Zaporozan. Mais quand j'arrive sur les lieux d'un crime et que j'aperçois cette jolie forme en V sur le mur, je ne peux pas m'empêcher de la trouver belle tellement elle correspond bien à la forme type. »
La circularité quasi parfaite des traces trouvées, ou au contraire leur aspect ellipsoïde laissant deviner la provenance du jet, l'aspect du sang s'écoulant sur un mur, voilà le genre d'indices recueillis sur les lieux d'un crime violent grâce auxquels l'analyste peut faire avancer l'enquête.
« C'est de la résolution de problème, résume la serg. Zaporozan. La tache de sang a une histoire, et c'est à nous de l'interpréter, puis de la présenter devant le tribunal. »
Tout aspirant AMTS de la GRC suit d'abord un cours élémentaire sur la reconnaissance morphologique des taches de sang au cours de sa formation en identification judiciaire.
Après quoi il peut se spécialiser en analyse de la morphologie des taches de sang. Quiconque veut devenir AMTS au Canada doit suivre un cours spécialisé de mathématiques et de physique.
« Dans le cours d'intro, ils apprennent à reconnaître et à nommer les types de taches. Dans celui-ci, ils découvrent comment les taches se forment et comment le sang se comporte dans les airs », précise la s.é.-m. Erin Pepper, gestionnaire du programme de formation en identification judiciaire et en analyse de la morphologie des taches de sang de la GRC.
Compréhension scientifique
Dans le cours, les AMTS apprennent à déterminer la zone d'origine d'une éclaboussure, c'est-à-dire l'endroit, dans un espace tridimensionnel, où la victime se trouvait quand elle a été blessée. L'un des procédés utilisés est le « stringing ».
Par la disposition de ficelles représen-tant la trajectoire des giclures ayant produit les différentes taches de sang observées, cette méthode permet d'en déterminer l'angle d'impact et l'orientation. Le point vers lequel convergent les ficelles correspond approximativement à la zone d'origine.
Lorsque la GRC a commencé à faire l'analyse de la morphologie des taches de sang, dans les années 1980, ses AMTS employaient cette méthode sans en connaître les assises scientifiques.
C'est auprès de professeurs de mathématiques et de physique de l'Université Carleton qu'ils allaient chercher réponse à leurs questions.
« Les instructeurs se sont mis à enseig-ner qu'une goutte de sang, comme une balle de pistolet ou de baseball, suit dans les airs une trajectoire courbe, et que ce n'est qu'au début de sa course qu'elle paraît filer en ligne droite », relate Brian Yamashita, un chercheur de la GRC qui travaille avec le personnel de l'identification judiciaire.
Au départ, c'était un cours de deux semaines chargé de notions théoriques. Mais après l'arrivée de M. Yamashita comme instructeur, celui-ci a écourté le cours d'une semaine et y a intégré plus de connaissances pratiques utiles aux policiers, qui n'ont pas forcément de bagage scientifique.
Témoigner avec assurance
Les participants au cours se sont familiarisés avec les équations quadratiques, les paraboles et les mouvements à une et à deux dimensions, mais ils ont aussi appris des techniques d'analyse, par exemple l'utilisation d'un logiciel, au lieu de ficelles, pour déterminer la zone d'origine.
À la fin du cours, les participants mettent leurs connaissances en pratique en analysant une tache de sang trouvée sur un simulacre de lieu de crime.
« Savoir que leur travail repose sur des bases scientifiques leur donne de l'assurance », fait remarquer M. Yamashita.
Cette assurance leur est utile au moment de témoigner en cour.
La serg. Zaporozan a témoigné dans beaucoup de procès, y compris celui de Cody Legebokoff, l'un des plus jeunes tueurs en série du Canada. Elle a participé à la deu-xième perquisition menée à la résidence du criminel, où l'empreinte génétique de deux femmes disparues a été découverte.
« Il y avait deux éclaboussures en basse altitude et des signes de nettoyage, raconte la sergente. Mon partenaire et moi avons été en mesure de dire où les taches se trouvaient, quelles en étaient les causes possibles et comment elles avaient été produites. »
La compréhension et l'utilisation de notions mathématiques et scientifiques rendent les AMTS mieux à même de défendre leurs conclusions devant le tribunal.
« Finie l'époque où l'on pouvait dire "C'est comme ça parce que je le dis", déclare la serg. Zaporozan. Le cours de maths et de physique nous donne les moyens d'expliquer les notions de science qui sous-tendent nos analyses. Et si je vais au tribunal présenter mes conclusions, j'ai intérêt à être capable de les étayer scientifiquement, sans quoi elles ne valent rien. »