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Depuis treize ans, la cap. Kim Mueller manifeste son vif intérêt pour la jeunesse en participant à divers programmes de proximité dans des communautés autochtones et métisses albertaines. Patricia Vasylchuk s'est entretenue avec elle au sujet de son dernier projet à Enoch (Alb.) et de l'avantage d'être Autochtone pour tisser des liens avec les jeunes et leurs familles.
En quoi le fait d'être Autochtone facilite-t-il votre travail de policière?
Parce que je suis Autochtone, on m'accepte d'emblée dans les communautés. J'ai un tas de collègues non autochtones qui font un travail formidable avec les communautés autochtones, mais ça facilite drôlement les choses quand on est un Autochtone qui partage leur culture, leur histoire et leurs traumatismes. Il y a des policiers qui, comme moi, ont subi certains de ces traumatismes et peuvent comprendre le vécu des membres des Premières Nations. On nous fait confiance presque automatiquement.
Après avoir piloté un programme pour garçons à risques, vous vous consacrez maintenant aux filles. Qu'est-ce que Strategies for Aboriginal Female Empowerment?
C'est une initiative de mentorat et d'éducation. J'ai choisi dix filles. L'an dernier, c'était des élèves de l'école intermédiaire. Cette fois, on s'adresse aux 6e et 7e années. On les a prises plus jeunes parce que certaines des filles choisies l'an dernier avaient déjà un mode de vie dangereux lié aux drogues, à l'alcool et au sexe. Pour faire partie de notre groupe, les filles doivent aller à l'école, rester loin du monde du crime et ne pas toucher aux drogues ni à l'alcool. Au terme du programme, nous faisons un grand voyage. L'an dernier, nous sommes allées à Jasper et à Banff.
Que faites-vous avec elles?
Moitié plaisir, moitié éducation, c'est ma formule. Nos rencontres sont hebdomadaires : telle semaine on aborde des choses de la vie, qu'il s'agisse de drogues, d'hygiène ou de rapports sexuels protégés; telle autre on fait quelque chose d'amusant comme aller au cinéma, à l'aquaparc ou au centre commercial. C'est l'occasion d'apprendre à nous connaître, d'avoir du plaisir et de rire un bon coup. La semaine suivante, on retourne à un sujet sérieux.
Pourquoi le mentorat est-il si important?
Comme les garçons du groupe MAGIC (Mothers Against Gangs in Communities), certaines de ces filles n'ont pas de mère qui joue un rôle actif dans leur quotidien. En les sensibilisant aux risques qu'elles peuvent courir, nous comblons une lacune. Il faut savoir que beaucoup d'entre elles sont maltraitées, viennent à disparaître ou s'engagent sur une pente dangereuse. Elles touchent aux drogues et à l'alcool, assistent à des partys, font du pouce. Nous parlons en toute franchise de ces choses-là et des choix qu'elles ont à faire.
À quoi tient le succès de ces programmes?
La grande force de la GRC, c'est de fournir des services 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Si un jeune vit une crise à 2 h du matin et que je ne suis pas disponible, j'appelle un collègue et lui dis : « Un de mes jeunes a un problème. Faudrait que tu ailles le chercher ». Oui, ça peut vouloir dire sortir du lit en pleine nuit, mais c'est par ce genre de gestes qu'on bâtit une relation de confiance. Ces jeunes sont habitués à ce qu'on les laisse tomber. Alors s'il y en a un qui m'appelle et que je lui dis : « Ok, je serai là dans 15 minutes
», l'effet positif est énorme.
Qu'est-ce qui vous motive à mettre sur pied des programmes pour la jeunesse?
À Enoch, une classe de 12e année compte environ trente élèves, mais seule une poignée d'entre eux finissent leur année scolaire. C'est ce qu'on veut changer. On essaie de les mettre sur la bonne voie. Quel que soit l'enfant, le mentor saura lui indiquer le droit chemin. Je crois qu'il en coûterait beaucoup moins à la société d'investir un peu d'argent pour aider ces jeunes tôt dans leur vie plutôt que de les laisser déraper et de tenter ensuite de les ramener sur les rails.