Portant une veste lestée de neuf kilogrammes, la gend. Amanda Nelles a escaladé un mur de 1,8 mètre au test d'endurance physique et mentale du Groupe tactique d'intervention (GTI) de la GRC.
La gend. Nelles, affectée à Winnipegosis (Manitoba), est l'une des huit femmes qui ont voulu intégrer le GTI l'année dernière.
Huit, c'est un pic, quand on sait que chaque année, c'est environ une femme pour cent hommes qui tente sa chance.
Cet engouement n'est sans doute pas étranger aux changements apportés au programme du GTI depuis 2015 – en matière de normes de condition physique, de processus de sélection et de formation. On a voulu connaître et éliminer les obstacles, réels ou perçus, qui pouvaient empêcher les policières d'intégrer le programme pour des raisons extérieures au travail qui s'y fait.
« Le programme attirait de moins en moins de postulants, il convenait donc de nous pencher sur le processus pour y intéresser davantage de postulants, féminins et masculins, » explique l'insp. Adam MacNeill qui était l'officier responsable du programme national du GTI au moment des premiers changements.
En 2012, le Collège canadien de police a sondé les policières de la GRC et interviewé d'anciennes stagiaires du GTI pour déterminer ce qui leur semblait poser obstacle. Leurs réponses : les normes de condition physique, l'impression d'un milieu de travail hostile et la conciliation travail-famille.
Vent de modernité
L'un des gros changements apportés au programme a été la suppression des normes de condition physique, qui exigeaient une course de 2,5 kilomètres, des tractions à la barre, des redressements assis, des pompes et le redoutable développé-couché à 145 livres, soit 65 kilos.
« Ces exigences n'avaient rien à voir vraiment avec notre travail, indique l'insp. MacNeill. Il fallait moderniser la formule et choisir des activités qui correspondaient davantage à ce que fait vraiment un membre du GTI. »
On n'évalue dorénavant les exigences physiques qu'avec le Test d'aptitudes physiques essentielles (TAPE) du GTI. Des exercices comme l'escalade d'un mur avec une veste lestée sont conformes au travail, non sexistes et fondés sur la science et la psychologie, considère-t-il.
La s.é.-m. Val Brooks a été la première femme et la seule à faire partie du GTI à la GRC, de 2004 à 2008. Selon elle, ce milieu qui a été de tout temps dominé par les hommes peut être intimidant et décourager des candidatures féminines.
« Je garde de bons souvenirs de mon passage au GTI, affirme-t-elle. Mais j'ai aussi senti une pression énorme en tant que femme. Je ne voulais pas me tromper, de peur qu'on dise : " Tu vois, c'est pour ça qu'une femme ne peut pas faire ce travail." »
Il importe de venir à bout de telles perceptions afin d'éliminer toute discrimination lors de la sélection, de retenir les meilleurs pour faire le travail, croit le coordonnateur national du GTI, Christian Dupuis.
Question d'équilibre
La s.é.-m. Brooks a vu évoluer la mentalité. Selon elle, aujourd'hui, si les femmes n'accourent pas au GTI, c'est davantage par crainte de ses répercussions sur la conciliation travail-famille.
« Il y a à la GRC des femmes qui peuvent le faire, mais elles ont d'autres priorités, » estime-t-elle.
Faire partie du GTI exige un gros engagement, reconnaît l'insp. MacNeill.
Le GTI est, pour la plupart, une fonction à temps partiel. Ses membres doivent occuper d'autres postes à plein temps à la GRC et se tenir prêts à intervenir rapidement, sur appel. Cette situation à laquelle s'ajoutent les efforts qu'exige l'entraînement mensuel et la nécessité de garder une forme physique impeccable peut devenir trop contraignante pour certains.
« Mais si ça te convient, et que tes proches te soutiennent à la maison, c'est une carrière à explorer », croit la gend. Nelles, qui a participé à l'un des trois projets pilotes de sélection tenus entre 2015 et 2018.
« Je faisais de l'haltérophilie de niveau olympique avant d'entrer à la GRC, précise la gend. Nelles, et plus je regardais le GTI, plus je sentais que c'est ce que je voulais faire, au-delà d'être policière. »
N'ayant pas réussi le TAPE du GTI, la gend. Nelles entend ajuster son entraînement pour être fin prête la prochaine fois.
Elle ne sera probablement pas la seule à tenter sa chance de nouveau. Selon M. Dupuis, tous sexes confondus, sur 24 postulants qui participent à la première étape de la sélection, seuls 6 passent à l'étape suivante. « J'ai réussi le cours, et ça prouve que les femmes peuvent faire ce travail, considère la s.é.-m. Brooks. Maintenant qu'on a levé tous les obstacles, la porte est grande ouverte. »