Vol. 80, Nº 1Dernières tendances

Trois femmes et un homme assis autour d'une table en compagnie d'une policière

Donner une seconde chance aux adultes

La Nouvelle-Écosse mise sur la justice réparatrice

Aux rencontres de justice réparatrice dans le comté de Colchester (N.-É.), la gend. Lori Thorne de la GRC s'assoit avec les contrevenants, les victimes et des agents de la John Howard Society afin de s'entendre à l'amiable. Crédit : Photo fournie par Chris King, John Howard Society

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Une nuit, après avoir trop bu, deux jeunes adultes volent un drapeau canadien suspendu à l'extérieur de la Légion royale canadienne dans le comté de Colchester (Nouvelle-Écosse). La police a tôt fait de les attraper, mais au lieu de les traduire en justice, elle choisit de les adresser au Programme de justice réparatrice de la province qui, depuis peu, prend en charge des adultes.

« Nous choisissons des personnes coopératives, qui méritent une seconde chance pour éviter d'avoir un casier judiciaire, explique la gend. Lori Thorne, agente de liaison avec les tribunaux au Détachement du comté de Colchester de la GRC. Ça n'est pas fait pour les criminels endurcis, mais pour ceux qui ont pris de mauvaises décisions et qui souhaitent réparer le préjudice causé. »

Éviter le tribunal

Auparavant, le Programme de justice réparatrice était réservé aux délinquants de moins de 18 ans; mais, après plusieurs projets pilotes aux résultats prometteurs, il a été élargi aux adultes en novembre 2016 et est maintenant offert partout dans la province.

« Le but est de tenir les gens res-ponsables de leurs actes, souligne Grace Campbell, gestionnaire du programme au ministère de la Justice. La justice est rendue, mais de façon différente, selon une vision des choses plus large qui permet d'être plus proactif et axé sur la prévention. »

Les objectifs sont les mêmes : réduire la récidive, accroître la satisfaction des victimes, renforcer la cohésion des communautés et la confiance du public à l'égard du système de justice pénale.

Le programme ne vise que certaines infractions tels les crimes contre les biens, les méfaits, les voies de fait, la fraude et les entrées par effraction. La conduite avec facultés affaiblies, les agressions sexuelles et la violence domestique en sont exclues. Les contrevenants sont orientés vers le programme par des policiers (avant le dépôt d'accusations), par des procureurs généraux (après le dépôt d'accusations), par des juges (après la condamnation) ou par les services correctionnels ou d'assistance aux victimes (une fois la peine purgée).

Lorsqu'un cas est transféré au programme, il est pris en charge par les services correctionnels ou des organismes de justice réparatrice comme le réseau d'aide juridique mi'kmaw ou la John Howard Society. Les corps policiers, dont la GRC, participent aux réunions de suivi organisées avec les contrevenants, les victimes et des membres de la communauté.

« Nous attirons l'attention du délinquant sur des choses auxquelles il n'a peut-être pas pensé, décrypte la gend. Thorne, comme l'incidence de la criminalité sur la communauté, sur lui-même, sa famille, les services de police, et sur les conséquences d'une condamnation judiciaire. »

Selon elle, il suffit parfois d'orienter le délinquant vers des services de soutien en santé mentale ou en dépendances, de l'aider à chercher du travail ou de le sensibiliser au système de justice.

« On comble certains besoins pour éviter les récidives, résume-t-elle. »

Juste résolution

La justice réparatrice exige des contrevenants qu'ils reconnaissent leur responsabilité en répondant de leurs actes devant les victimes. La John Howard Society facilite de nombreuses rencontres entre les parties pour favoriser une juste résolution de ces cas.

« Les victimes sont davantage satisfaites et se sentent mieux, analyse Chris King, directrice (région centrale) de la John Howard Society en Nouvelle-Écosse. Le fait de voir que la personne qui leur a causé du tort est aussi un être humain peut contribuer à atténuer leur peur. Ça les conforte aussi parce qu'elles peuvent lui dire "voici ce que tu m'as fait". »

Des agents de la JHS et de la police locale, un représentant de la communauté et un membre de la Légion ont ainsi rencontré les deux jeunes qui avaient volé le drapeau.

Ancien combattant, le membre de la Légion avait revêtu son uniforme et ses décorations et a parlé du temps où il était soldat et de ce que représente le drapeau pour lui. Les deux délinquants étaient très émus : la jeune fille s'est mise à pleurer et son compagnon, honteux, baissait la tête.

« L'ancien combattant a pu voir que les deux jeunes gens avaient agi sans réfléchir, relate Mme King. Et pour ces derniers, ça n'était pas facile de regarder leur interlocuteur, sachant qu'ils lui avaient manqué de respect. »

Après de longues discussions, on a convenu que les contrevenants remettraient le drapeau à sa place et rédigeraient le récit de ce qu'ils ont fait, en expliquant les raisons de leur geste, et une lettre d'excuses qui serait lue à la prochaine assemblée générale de la Légion.

« Le programme permet aux contre-venants d'apprendre de leurs erreurs et, plus largement, de saisir les répercussions de la criminalité sur la communauté, conclut Mme King. On cherche davantage à réparer le tort et à donner une voix aux victimes et à la communauté qu'à punir. »

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