Le serg. int. Raymond Payette est entré au Groupe des personnes disparues du Service de police de Vancouver il y a sept ans. Fort d'un taux de résolution de 99,99 %, il s'est forgé une réputation d'expert des enquêtes sur les personnes disparues au pays. Il s'est entretenu avec Deidre Seiden au sujet de son éthique de travail et de la motivation tirée de ses propres antécédents familiaux.
Vous atteignez un taux de résolution incroyablement élevé. Quel est votre secret?
Je suis un Canadien-Français trapu. Je ne sais pas courir vite. Je ne sais pas viser. Mais j'ai toujours eu à cœur d'assumer avec brio mon serment de servir les citoyens. Je suis comme un chien avec son os; je ne démords pas. Et c'est un peu ce que nous sommes dans mon service : des petits terriers intrépides. Nous n'abandonnons pas la partie. Nous sommes quatre membres déterminés. Et c'est notre atout. Un atout qui contribue grandement à notre taux de résolution élevé. Cela dit, nous ne retrouvons pas toujours nos sujets vivants.
Quels sont les défis dans votre créneau?
Un des défis est le volume. Tout le monde veut parler du dossier volumineux. Celui qui soudain mobilise 47 personnes; c'est bien, mais c'est aussi très rare. Nous avons ouvert
5 600 dossiers en 2016. Nous recevons de 15 à 16 nouveaux cas au quotidien. Chacun oublie les 14 ou 15 autres dossiers du jour. Mais ces familles s'inquiètent pour leur fils, pour leur mère, pour quelqu'un d'autre.
Comment faites-vous pour tenir le rythme face à votre charge de travail?
Mon service compte des enquêteurs hors pair, mais ce sont avant tout des personnes hors pair. Notre travail nous tient à cœur. Nous discutons continuellement des dossiers, et c'est ce qui nous donne un tas d'idées à envisager. Nous échangeons nos points de vue et nos connaissances sans détour, mais sans jamais froisser personne.
Et nous savons trier les dossiers : les bons, les mauvais et les franchement mauvais. Je ne sais pas si nous comptons les meilleurs détectives au monde. Je ne suis certainement pas le meilleur détective au monde, ou même sur mon étage, mais notre capacité à trier les dossiers et à y jeter un regard critique, empreint de bon sens, fait que nous nous comparons favorablement à n'importe quel autre service au pays.
Enfin, nous travaillons étroitement avec la collectivité. Le quartier Downtown Eastside mobilise beaucoup les policiers, notamment pour les cas de disparition. Nous y avons de nombreux contacts. Nous avons travaillé sans relâche depuis mon arrivée ici pour nouer ces relations.
Quels aspects vous importent le plus?
Avant d'être policier, j'exploitais un restaurant; je souscris au service à la clientèle. Je peux dire que nous offrons un bon suivi à la clientèle. Si un dossier s'étend à long terme et que nous rencontrons la famille en personne, lorsqu'un drame survient, nous nous chargeons toujours d'aviser les proches parents. Quelques familles m'ont dit : « Nous ne voulons pas apprendre la mort de notre fils de la bouche d'un étranger. » Ils ne me connaissent pas vraiment. Ils m'ont rencontré il y a un mois parce que j'ai pris leur dossier en main; mais pendant ces quatre semaines, je suis pratiquement un membre de la famille.
Qu'est-ce qui vous motive?
Il y a de nombreuses années, le frère de ma grand-mère a loué un voilier. On l'avait prévenu du mauvais temps, mais il est quand même sorti sur l'eau avec son ami. On ne les a jamais revus.
Lorsque j'étais enfant, nous avions un bateau. Chaque fois que nous allions sur l'eau, nous savions que ma grand-mère continuait de le chercher, même après toutes ces années. Elle comprenait que les probabilités de le retrouver étaient bien faibles, mais l'idée l'a tourmentée le reste de sa vie.
Les gens sont obnubilés par leur proche disparu. C'est le plus difficile pour une famille, et c'est ce que nous comprenons fort bien dans mon service : les gens ne peuvent pas tourner la page. Je vois cela comme un purgatoire. Ils ne peuvent pas vivre leur deuil, parce que ce faisant, ils se sentiraient coupables, car ils ne sont jamais sûrs que leur proche est véritablement mort. En même temps, ils ne peuvent pas passer à autre chose, parce qu'ils n'ont jamais de certitude.
Ils ne veulent pas apprendre une horrible nouvelle, mais ils veulent savoir ce qui est arrivé. C'est cette notion qui me motive au quotidien.