Investissant des millions, déployant de nouvelles méthodes et de nouvelles équipes, la GRC est bien armée pour faire échec aux blanchisseurs d'argent sale.
« Dans toute enquête sur le crime organisé, l'argent est un élément central
», déclare l'insp. Jonathan Ko de la GRC, responsable de l'Équipe intégrée d'enquête sur le blanchiment d'argent de l'Ontario, mise sur pied plus tôt cette année. « Et le criminel qui veut se servir d'argent sale n'a pas le choix : il doit le blanchir.
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Qu'ils tirent leurs bénéfices du trafic de stupéfiants, du trafic d'armes ou de quelque stratagème frauduleux, les criminels doivent recycler les produits de leurs activités illicites pour pouvoir s'en servir sans éveiller l'attention des organismes d'application de la loi.
Parce que les activités de blanchiment d'argent sont de nature clandestine, leur importance est difficile à chiffrer. Toutefois, selon un rapport de 2019 intitulé Combatting Money Laundering in BC Real Estate, on estime que 46, 7 G$ ont été blanchis au Canada en 2018.
« On traque quelque chose qu'on ne connaît pas bien, et on doit deviner où ça s'en va
», commente Ko, de Toronto.
Suivre une telle piste, celle laissée par l'argent, est une tâche complexe qui prend du temps et nécessite l'emploi de techniques spécialisées comme la juricomptabilité pour épingler les délinquants qui font usage des technologies de pointe, du Web profond et des cryptomonnaies.
Il était habituel pour la police de se mettre à suivre la trace de l'argent seulement au terme d'une enquête majeure. La GRC est en train de changer cette façon de faire.
« Ce que j'ai en tête, c'est une action axée sur des projets, et non un pistage de l'argent à un moment tardif de l'enquête ou après la déclaration de culpabilité
» affirme Ko. « Je souhaite que l'équipe amasse et élabore assez de renseignements solides pour nous permettre de démanteler les organisations criminelles et les réseaux professionnels de blanchiment d'argent.
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C'est que le blanchiment d'importantes sommes d'argent peut causer de réels préjudices.
« Il est faux de dire que ce type de crime ne fait pas de victime
», observe Megan Nettleton, superviseure intérimaire à la Criminalité financière, Opérations criminelles de la Police fédérale, à Ottawa.
Elle nous dit que l'argent blanchi sert au financement des activités du crime organisé en plus de fausser le cours du marché immobilier dans quelques-unes des plus grandes villes canadiennes.
Ces pratiques « contribuent à blanchir des sommes considérables pouvant servir à appuyer des activités criminelles – et même terroristes – à l'étranger
», explique Nettleton, qui ajoute que les professionnels du blanchiment voient dans le Canada un lieu d'opération sûr et tranquille.
L'an dernier, la GRC a annoncé l'affectation de près de 20 M$ en cinq ans aux équipes divisionnaires anti-blanchiment d'argent (la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec s'ajoutent à l'Ontario).
L'équipe de l'Ontario comprend actuellement cinq enquêteurs de la GRC, et on prévoit leur adjoindre des employés du Service des poursuites pénales du Canada, de l'Agence du revenu du Canada, de la Direction de la gestion des biens saisis et du Groupe de la gestion juricomptable.
Selon Nettleton, qui dirige, au nom de la Réponse intégrée canadienne au crime organisé, l'élaboration de la stratégie de la GRC visant à faire échec aux professionnels du blanchiment d'argent, l'approche intégrée choisie accélérera le repérage des pistes d'enquête à explorer.
« C'est en développant leur propre écosystème, en réunissant une diversité de compétences que ces équipes, au fil du temps, vont acquérir les connaissances et l'expertise qu'il faut pour inculper les responsables d'opérations de blanchiment d'argent
», prévoit-elle. « À terme, j'aimerais qu'elles deviennent le fer de lance de la lutte contre le blanchiment d'argent partout au pays.
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