Nova, un chihuahua croisé, est le « chien de poche » de la gend. Michele Peters (retraitée). Sa veste orange de chien d'assistance indique qu'elle est un peu différente des autres chiens.
Si à première vue presque rien n'y paraît, la gend. Peters souffre de stress post-traumatique (SPT), un trouble allégé par la présence de Nova. Elle a travaillé pendant 15 ans aux services généraux au Manitoba avant que les symptômes n'apparaissent.
« Je vivais avec, tout simplement. Mais les années ont graduellement eu raison de moi », dit-elle.
Quinze membres de la GRC et un membre de la Police provinciale de l'Ontario (OPP) ont un chien dressé pour le SPT par Courageous Companions (CC). Il y a quatre ans, cet organisme du Manitoba a commencé à offrir ses services aux policiers et aux premiers répondants en plus des militaires. Ces derniers temps, la plus forte demande pour ces chiens provenait de la GRC.
« Être témoin de la violence et de la mort est le lot des premiers répondants et des policiers, de dire George Leonard, fondateur de CC et gendarme de bande autochtone au Manitoba. On ne se rend pas compte que l'accumulation de petits incidents est insidieuse. »
Depuis ses débuts en 2005, CC a fait don de 147 chiens à des anciens combattants et à des premiers répondants au pays. De 75 à 100 chiens sont actuellement en dressage.
Préparer un chien au dressage pour l'assistance
Le cap. Chris Lohnes est conducteur de chien à la GRC depuis 18 ans. Après avoir travaillé en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve et en Saskatchewan, il travaille actuellement au Centre de dressage des chiens de police à Innisfail (Alb.).
Dans ses rares temps libres, il visite les refuges de Yorkton (Sask.), sa ville natale, à la recherche de chiens pour CC. Il y a deux ans, il a lancé un projet pilote avec la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux, des étudiants et quelques vétérinaires afin de trouver des chiens pour l'organisme.
« J'effectue une bonne part du travail initial, comme trouver et préparer les chiens à leur dressage officiel avec George », explique le cap. Lohnes.
Dans les refuges locaux, il choisit les chiens qui lui semblent de bon tempérament et de nature sociale, des atouts pour le programme. Puis il recrute des étudiants chargés de promener les chiens afin d'évaluer leur réaction dans les lieux publics. Les chiens qui passent ce test sont examinés par des vétérinaires locaux, puis confiés à la garde de M. Leonard pour leur dressage.
Le cap. Lohnes consacre de 30 à 50 heures à chaque chien avant le début du dressage officiel. Il se passionne pour la conduite de chiens, surtout s'il peut apporter son aide.
« Je ferais tout pour dénicher un chien à une personne, dit-il. La présence d'un chien peut être d'un grand secours et sauver la vie même. »
Une bonne patte
Les chiens ne proviennent pas tous des refuges locaux. Certains policiers demandentà M. Leonard de dresser leur chien pour le SPT.
C'est ce qu'a fait la gend. Peters, qui a adopté Nova après une dépression en 2002. Le diagnostic de SPT prononcé, elle s'était retrouvée en chute libre au point de se confiner chez elle pour éviter le contact des autres.
« Quand je me suis rendue compte que ma vie allait se résumer à quatre murs si je ne faisais rien, je me suis tournée vers Courageous Companions », raconte-t-elle.
Nova ayant réussi les premiers tests, elle a officiellement été dressée pour aider la gend. Peters à vivre avec le SPT. Elle devrait terminer son dressage l'année prochaine.
« Je peux maintenant sortir et aller à l'épicerie, par exemple. De semi-recluse, je sors maintenant presque tous les jours », dit-elle.
Le parcours de la gend. Annabelle Dionne de la GRC est semblable à celui de la gend. Peters. Après le meurtre d'un collègue, elle a adopté un eskimo américain croisé, Oreo, d'un refuge local pour alléger son quotidien. Lorsqu'elle a entendu parler de CC, elle a inscrit Oreo au programme de dressage.
Devenu depuis un chien d'assistance officiel, Oreo aide la gend. Dionne à surmonter le SPT à la maison, en public et au travail. La gend. Dionne est le premier membre de la GRC à la Direction nationale, à Ottawa, à amener son chien d'assistance au travail.
La gend. Dionne admet que le SPT est encore un sujet tabou au sein de nombreux services de police, mais elle croit que la stigmatisation s'affaiblira à mesure que plus de personnes touchées en parleront.
« La présence du chien met un visage à ces blessures invisibles que sont la dépression, l'anxiété et le SPT, explique-t-elle. Le chien est un prétexte à la discussion. Les personnes qui m'abordent me font part de leur épreuve et elles n'ont plus le sentiment d'être seules. »
La gend. Dionne croit qu'il est particulièrement important pour les organismes comme CC d'offrir leurs services aux policiers et aux premiers répondants plutôt qu'aux anciens combattants seulement.
Du même souffle, elle ajoute qu'il incombe aux policiers d'en faire la demande.
« Comme policiers, nous avons la responsabilité de demander de l'aide lorsque nous en avons besoin », affirme-t-elle.
Rehausser une norme nationale
Au Canada, Courageous Companions fait figure de proue en matière de chiens d'assistance.
« Nous avons conçu et publicisé le programme SPT », affirme M. Leonard, qui a fait pression sur le gouvernement afin que soit adoptée une norme nationale pour le dressage des chiens d'assistance. Il soutient qu'une telle norme est nécessaire pour le contrôle de la qualité des chiens.
Selon le cap. Lohnes, peu d'organismes sont crédibles faute de pouvoir fournir des chiens d'assistance de certification légitime.
« Un chien bien dressé, ça fait toute la différence, explique le cap. Lohnes. Courageous Companions met la barre haute et c'est ce qu'il faut. Le dressage pour l'obéissance et le dressage pour l'assistance sont très différents. »
Le coût du dressage approprié d'un chien d'assistance peut s'élever à 10 000 $, ce qui comprend les soins vétérinaires, une cage, une veste officielle et dix mois de dressage. CC absorbe tous ces coûts et fournit gratui-tement ses chiens à des anciens combattants et à des premiers répondants.
L'organisation bénéficie de dons de particuliers et du soutien d'associations d'anciens combattants, de la Légion royale canadienne et de Wounded Warriors Canada, un organisme sans but lucratif qui prête assistance aux membres et aux anciens combattants des Forces armées canadiennes et à leur famille.
M. Leonard croit que l'armée et la GRC souscriront un jour à un programme comme le sien.
Jumeler les partenaires
Même s'il ne souffre pas du SPT, le cap. Lohnes a pu constater à quel point ce trouble a un effet débilitant.
« Lorsqu'une personne cesse de fonctionner, puis qu'elle se transforme grâce au chien, c'est toute sa qualité de vie qui s'améliore », confie-t-il.
Étant donné que les symptômes du SPT varient d'une personne à l'autre, le dressage des chiens se fait avec leur nouveau maître pour s'assurer qu'ils sont compatibles. Il est essentiel de jumeler le bon chien à la bonne personne, affirment le cap. Lohnes et M. Leonard.
« Chaque cas de SPT est différent parce que chaque personne est unique. Le militaire qui a combattu en Afghanistan est différent de celui qui a combattu en Bosnie, le policier est différent du pompier et la femme est différente de l'homme, explique M. Leonard. Nombre de nos chiens ont eu un dressage personnalisé. »
Les chiens peuvent être dressésà effectuer trois ou quatre tâches pour parer à l'incapacité du maître. Selon les besoins de celui-ci, le chien apprend à l'interrompre, à le distraire ou à le calmer en période d'anxiété, de tension ou de surexcitation. Ou encore, à le réveiller en cas de cauchemar ou à inter-venir si son maître a une réaction typique d'un symptôme.
« Des personnes qui devaient prendre de 30 à 33 médicaments n'en consomment maintenant que deux ou trois, ajoute M. Leonard. D'autres, qui n'avaient pas quitté leur domicile pendant six mois, font maintenant du bénévolat. »
Nova a été dressée pour aider la gend. Peters à surmonter l'anxiété et la dépression. Souvent, elle sent chez sa maîtresse un changement d'humeur bien avant que celle-ci ne se rende compte de ce qui se passe.
« Elle se met en boule entre mes jambes pour attirer mon attention. Ça m'énerve jusqu'à ce que je me rende compte qu'elle est seulement en train de faire son travail », raconte-t-elle.
Même si elle est retraitée de la GRC après 28 années de service, la gend. Peters affirme que Nova lui est encore d'une grande assistance.
« Le changement qu'elle a eu dans ma vie est indescriptible. Ça tient du miracle. Mon ascension vers la guérison, je la dois à mon chien, explique-t-elle. Tous ceux qui vivent des événements traumatiques, qu'ils soient militaires, policiers, ambulanciers ou pompiers, devraient pouvoir bénéficier de ce service. »