- Serg. Ryan How, chef du Détachement de Loon Lake (Sask.)
- Gend. Chester Williams, Services de police autochtones, Détachement de Merritt (C.-B.)
- Gend. Tayte Goddard, Détachement de Stony Rapids (Sask.)
- Cap. Charmaine Parenteau, Service de recrutement de la GRC, Yellowknife (T.N.-O.)
Chaque communauté a des caractéristiques et des défis qui lui sont propres, et cela vaut aussi pour les communautés autochtones. Il n'y a pas de solution instantanée aux problèmes locaux. Nous avons demandé à quatre agents de la GRC de nous expliquer comment ils aident à améliorer les relations avec les Autochtones, nouent des liens authentiques avec eux et leur assurent des services efficaces.
Serg. Ryan How
Je travaille en Saskatchewan (à la Division F) depuis mon entrée à la GRC, plus précisément dans le District Nord, où j'ai surtout travaillé et vécu dans des communautés autochtones.
Je n'ai aucun doute que les réussites que j'ai connues sont attribuables aux liens sincères que j'ai tissés d'abord sur le plan personnel, puis à titre de policier. Habituellement, les deux vont de pair, mais si on n'est pas prêt à établir des contacts personnels, le rôle de professionnel qu'on joue demeurera unidimensionnel et inefficace.
Pour établir des relations authentiques, il faut notamment faire preuve d'honnêteté et être capable d'avoir des discussions difficiles avec des élus afin de définir le rôle de soutien ou de leadership que jouera la GRC. Chaque communauté est unique à cet égard.
Je ne peux pas stopper le fléau de la meth en cristaux. Un membre de première ligne de la GRC ne peut régler seul les problèmes d'alcoolisme et de violence conjugale de troisième, quatrième ou cinquième génération dans une communauté. On ne peut pas répondre aux besoins de tous. Par contre, je crois que la GRC peut veiller à la protection de la majeure partie de la population contre la violence, les problèmes de consommation et la criminalité.
C'est la stratégie que nous avons adoptée dans le village de Loon Lake et la communauté de la Première Nation de Makwa Sahgaiehgan.
Ces dernières années, les deux communautés voisines sont terrorisées par un gang extrêmement violent qui arbore la couleur rouge (p. ex. des bandanas, des armes à feu au canon scié et des cheveux rouges) pour faire de l'intimidation et semer la peur.
Lors de discussions difficiles et émotives avec les chefs locaux, nous avons appris que les gens étaient prêts à se défendre, mais qu'ils avaient peur.
Grâce à la GRC, ils ont pu se tenir debout : les policiers ont organisé une marche où tous porteraient du rouge pour mettre fin à la campagne de terreur menée par le gang. Le 1er octobre 2019, plus de 350 personnes vêtues de rouge ont marché aux côtés de membres de la GRC en tunique rouge. L'idée s'est propagée dans les communautés autochtones voisines, qui ont organisé elles aussi des marches pour dénoncer la violence des gangs.
Ce n'est là qu'un exemple de ce qu'on peut accomplir grâce à des relations authentiques.
Des efforts de réconciliation ont lieu chaque jour dans des centaines de communautés du Canada, uniquement au su des gens directement concernés. Je crois que cette discrétion témoigne de l'efficacité et du travail formidable des membres de première ligne, malgré les circonstances difficiles. Le travail effectué à chaque quart, c'est ça la réconciliation.
La GRC compte des centaines d'experts de la réconciliation qui travaillent auprès de communautés autochtones. Ce sont habituellement des agents qui en sont à leur première affectation et qui nouent des relations personnelles fondées sur l'honnêteté avec les gens qu'ils servent. Ils savent qu'en région isolée, ils doivent compter sur la collectivité pour rester en sécurité, et vice-versa.
Pour arriver à nos fins, il nous faut continuer d'accroître le soutien offert à ces agents et écouter ce qu'ils ont à dire.
Gend. Chester Williams
Je suis entré à la GRC en tant que membre des Premières Nations en 1999, et je travaille auprès des communautés autochtones depuis.
Les Services de police autochtones (SPA) de la C.-B. ont pour mandat d'offrir aux Autochtones des services policiers proactifs qui tiennent compte des diverses réalités culturelles. Nous nous efforçons d'améliorer les relations entre les Autochtones, la GRC et le système de justice pénale grâce à un groupe de policiers solide et efficace.
Les SPA surveillent, coordonnent et offrent à plus de 200 communautés autochtones de la C.-B. des services qui relèvent du programme des services de police autochtones et de la Politique sur la police des Premières nations.
Ces services comprennent le recrutement, la collecte de renseignements liés aux questions autochtones, l'élaboration et la prestation de programmes et les négociations d'ententes communautaires tripartites.
Je crois que pour gagner la confiance des collectivités que nous servons, il faut faire preuve d'honnêteté et d'intégrité.
Le rôle des policiers de la GRC est d'offrir aux collectivités les ressources dont elles ont besoin pour corriger des problèmes, dont certains persistent depuis des siècles (revendeurs de drogue, contrebandiers dans les réserves, etc.).
Nous offrons aux dirigeants des communautés des programmes et des outils pour leur permettre de s'attaquer aux problèmes. Nous voulons que les membres de la communauté prennent la responsabilité de faire de la réserve un milieu sain pour nos dirigeants de demain.
En 20 années de service, je retiens surtout trois excellentes initiatives.
Premièrement, chaque semaine à Massett, en C.-B., des policiers de la GRC offrent d'amener des personnes sans domicile fixe à la salle communautaire, où elles se font servir du café et un repas chaud. Cette initiative favorise des relations de grande confiance entre les policiers et les membres de la communauté.
Deuxièmement, à Hazelton (C.-B.), la GRC a créé un programme appelé Operation Good Deeds (opération bonnes actions). Les membres du détachement choisissent trois jeunes qui font un travail exceptionnel dans leur communauté de la Nation Gitskan et leur offrent un voyage d'un week-end incluant un vol jusqu'à Vancouver pour assister à une partie de hockey de la LNH. C'est une belle récompense, car certaines familles n'ont pas les moyens de voyager.
Enfin, les SPA à Merritt (C.-B.) ont conçu des décalcomanies pour tous les véhicules des SPA avec les blasons des réserves d'Upper et de Lower Nicola, de Shackan et de Coldwater. Quand les membres des communautés voient les décalcomanies sur les véhicules de police, leur fierté est évidente.
Nous sommes entrés à la GRC parce que nous voulions changer les choses. Sous la direction de l'insp. Dee Stewart, les SPA aident les policiers autochtones à réaliser cet objectif.
Gend. Tayte Goddard
J'ai travaillé comme policier auprès des Premières Nations de Makwa Sahgaiehcan et de Black Lake en Saskatchewan, et j'ai vécu et été actif dans ces communautés.
La première est une nation crie, et des membres de la Première Nation Denesuline sont établis à Black Lake. Ce milieu offre une démographie sociale unique pour ceux qui y vivent et y travaillent pour le maintien de l'ordre, car les deux communautés présentent de nombreuses différences sur le plan traditionnel, religieux et culturel. Il est important de les connaître.
Les membres de la GRC sont souvent plongés dans des endroits, des univers culturels et des communautés qu'ils ne connaissent pas. Il est essentiel de s'adapter pour réussir et tirer de la satisfaction de son travail.
Il nous faut devenir des membres à part entière de la communauté que nous servons et pas seulement y jouer le rôle de policier. Notre contribution est nécessaire.
Par le passé, la GRC a fait du tort aux populations autochtones de l'Ouest canadien. Comme les Autochtones transmettent leurs connaissances oralement de génération en génération, les interactions d'hier et d'aujourd'hui entre la GRC et les communautés autochtones peuvent teinter la perception que ces dernières ont de la GRC.
Il est important d'être à l'écoute de la façon dont la collectivité se sent par rapport aux policiers et à leur travail. Écouter quelqu'un parler de ce qu'il ressent ou de son point de vue est le plus grand pas vers des relations respectueuses et la réconciliation entre la GRC et les communautés autochtones. Parler, c'est facile. Il ne suffit pas de dire que nous sommes résolus à améliorer nos relations. Il faut agir.
Comment pouvons-nous mieux servir les communautés autochtones? En participant à de nouvelles activités, par exemple prendre part à un camp culturel pour apprendre à fumer le poisson, débiter un orignal avec des jeunes et des aînés et assister à un pow-wow, en allant aux réunions avec le chef et le conseil de bande, et surtout, en participant aux activités communautaires, pas à titre de policier, mais en tant que citoyen.
Les communautés autochtones misent sur la confiance. Les membres de la GRC qui arrivent à établir un lien de confiance avec elles pourront plus facilement s'attaquer aux problèmes et collaborer avec les membres de la communauté pour trouver une solution. Grâce aux liens de confiance, nous pouvons parler franchement aux gens, d'égal à égal, en laissant de côté l'uniforme et ce qu'il représente. Par la suite, ces personnes ont confiance en nous et nous respectent en tant que policiers.
Les policiers de la GRC s'engagent à bien faire leur travail, mais ils prennent aussi un engagement envers eux-mêmes en tant que personnes et membres de la collectivité. Nous sommes affectés à un endroit pendant deux, trois ou cinq ans, voire plus. Notre contribution ne se limite pas à notre rôle de policier, mais elle s'étend aussi à notre rôle dans la communauté.
Il est beaucoup mieux que les gens vous appellent par votre nom plutôt que de vous appeler « le policier » ou « le gendarme ». La plupart des communautés sont petites et très soudées. Nos actions et paroles peuvent parvenir à beaucoup de gens même si peu de personnes en ont été témoins.
Il nous faut écouter et pas seulement entendre les gens, et être prêts à leur donner du temps. Le temps file, et si après 25 ans de travail policier on peut se souvenir d'une personne ou d'une communauté pour laquelle on a changé les choses, ou encore d'un changement positif durable auquel on a participé, on peut dire que notre temps et nos efforts ont porté fruit.
Cap. Charmaine Parenteau
Je suis policière depuis 15 ans. J'ai commencé ma carrière au Service de police de la Tribu des Blood, où j'ai servi la Nation Kainai, sur une terre visée par le Traité no 7, dans la Blood Indian Reserve 148. J'ai aussi travaillé sur une terre visée par le Traité no 8, sur laquelle étaient établies les Premières Nations de Driftpile, de Sucker Creek et de Swan River, toutes en Alberta.
Je travaille actuellement à Yellowknife, où je suis agente de recrutement pour l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest.
Tout au long de ma carrière, j'ai travaillé auprès de nombreuses communautés diversifiées, dans des comtés, de grandes villes, des villages, des réserves et d'autres pays, mais j'ai toujours préféré travailler avec les communautés autochtones. Comme je suis autochtone, je suis à même de comprendre le mode de vie de ces peuples et les problématiques qui se posent dans certaines communautés. J'aime contribuer à de petits changements positifs.
J'abonde dans le sens des explications très claires qui figurent dans le rapport final de l'Enquête sur les FFADA en ce qui touche la façon dont les policiers peuvent mieux servir les communautés autochtones. J'appuie les appels à la justice figurant à la section 9 du rapport, car ils décrivent très bien ce à quoi l'avenir doit ressembler. Afin d'assurer de bons services de police aux peuples autochtones, il nous faut connaître, comprendre et respecter leurs besoins.
Je crois que la GRC adopte cette façon de faire à bien des égards, plus précisément en renseignant et en formant ses membres sur les pensionnats, les traumatismes intergénérationnels, la réconciliation et la guérison. Tout cela fait partie d'un processus fondamental visant à changer les mentalités afin d'offrir des services de police de qualité et de recruter des Autochtones.
Notre organisation doit défendre les peuples autochtones et recruter des Autochtones.
Il existe de nombreux obstacles au recrutement dans les Territoires, notamment en ce qui concerne les critères à respecter pour pouvoir poser sa candidature.
Pour postuler, il faut entre autres avoir un permis de conduire sans restriction. Dans bien des petites communautés des Territoires du Nord-Ouest, les conducteurs possèdent des permis avec restrictions compte tenu de l'infrastructure routière dans leur secteur. Certains ne peuvent pas conduire en dehors de leur communauté.
Lorsque des postulants ont de la difficulté à satisfaire à certains critères, nous les aidons du mieux que nous le pouvons à toutes les étapes du processus. Dans un grand nombre de communautés des T. N.-O., on attend avec impatience le jour où la candidature d'un membre de la collectivité sera retenue.