Pour le néophyte, les crimes peuvent sembler sporadiques, sans liens logiques. C'est à une analyste de la criminalité de la GRC, Kim Audette, d'y donner un sens. En 2013, celle ci a contribué à la création du premier Groupe de l'analyse des crimes en Saskatchewan, chargé d'analyser les tendances criminelles, les tendances géographiques et les comportements humains. Amelia Thatcher s'est entretenue avec Mme Audette pour mieux comprendre comment les liens ainsi établis aident à résoudre les crimes.
En quoi consiste l'analyse des crimes?
Il s'agit d'exploiter les données et les éléments de preuve pour cerner les points chauds du crime et prévoir les occurrences. Ces données aident les agents de première ligne à répartir les effectifs dans un quart donné.
À quelle fréquence étudiez-vous les tendances?
Nous surveillons les incidents au quotidien, surtout les crimes contre les biens. Ainsi, nous observons quels commerces sont la cible d'introductions par effraction et les endroits où les véhicules sont volés. Y a-t-il eu une série de vols dans un quartier précis? Selon les données obtenues, nous déterminons les mesures de prévention adaptées.
Quelle stratégie adoptez-vous?
Nous analysons en particulier le mode opératoire (MO) – les habitudes et les tendances du criminel – la façon dont il s'introduit dans un lieu, le genre de biens dérobés, et s'il s'agit d'un crime fortuit ou ciblé.
S'il y a un suspect connu, nous vérifions ses antécédents dans les bases de données. Sinon, nous essaierons d'en déterminer un en consultant le Système d'incidents et de rapports de police (SIRP) dans lequel les policiers documentent les crimes. Nous communiquerons aussi avec d'autres détachements et nos partenaires municipaux pour voir s'ils ont relevé des crimes similaires dans leur secteur ou ont un suspect possible.
Nous cherchons ensuite les incidents similaires survenus dans le secteur à la même époque. Nous établissons une période et une carte des lieux probables, selon la direction prise par le criminel afin d'éventuellement relier les crimes selon les preuves et le MO. Nous travaillons avec les enquêteurs pour leur fournir des données nouvelles et des pistes qui aideront à clore l'affaire.
Quels genres d'obstacles se posent à vous?
D'abord, l'intégrité des données : nous sommes limités par les incidents qui sont signalés. Sans information, nous ne pouvons établir de liens.
Ensuite, la géographie de la province : dans les collectivités très soudées du nord, la plupart des criminels sont connus; dans le sud, il s'agit surtout de criminels en maraude qui sillonnent les routes principales. C'est alors difficile de déterminer un suspect. Il est ardu de lier un crime commis à la frontière de l'Alberta à un autre survenu près de la frontière manitobaine – le lien ne saute pas aux yeux; pourtant, seulement huit heures de route séparent les deux points. L'enquêteur n'est pas enclin à vérifier au-delà des limites de son secteur. C'est ici que j'interviens.
Avez-vous un cas à donner en exemple?
Nous avons récemment recensé plus de 200 introductions par effraction survenues en C.-B., en Alb., en Sask. et au Man. Tout a débuté lorsqu'un détachement a signalé une série d'introductions par effraction dans un club de golf. Nous avons relevé la même occurrence dans un détachement voisin. L'affaire a fait boule de neige : j'ai tôt fait de déceler 40 cas reposant sur ce MO.
Nous avons rapidement déterminé un suspect, puis établi un lien entre lui et une série de véhicules volés -- il s'en servait pour se déplacer entre deux crimes. Dans un des camions volés, nous avons trouvé des reçus du motel où il séjournait. La recette de ses crimes lui permettait de subsister tandis qu'il sillonnait le pays pour jouer au golf.
Un mandat nous a permis d'obtenir ses relevés d'appels, grâce auxquels nous avons cerné les endroits où il séjournait, puis établi des liens avec le lieu et la date de ses crimes. Nomade, ce criminel était difficile à repérer, jusqu'à ce qu'il achète un véhicule et l'immatricule à son nom; nous avons pu alors l'appréhender et obtenir un mandat de perquisition. Auparavant, il avait échappé à l'attention des autorités, mais forts de notre analyse et de nos enquêtes, nous avons pu obtenir une condamnation fédérale.