La formation policière évolue constamment pour s'adapter aux nouvelles méthodes d'enseignement et aux différentes exigences imposées aux poli-ciers. Katherine Aldred s'entretient avec quatre instructeurs chevronnés de la GRC à propos des cours qu'ils donnent, de ce qui a changé et de la façon dont leur formation prépare les policiers aux réalités actuelles du milieu.
Serg. Steve Burke
Lieu : Section nationale sur le recours à la force, DG, Ottawa, (Ont.)
Cours enseignés : J'ai enseigné le recours à la force à temps plein à Ottawa (DG) et en Colombie-Britannique. J'ai aussi été instructeur pour le Programme de protection des transporteurs aériens canadiens pendant plusieurs années.
Pourquoi êtes-vous devenu instructeur?
Au début de ma carrière, mon s.-off. de la formation m'a demandé si la formation sur le recours à la force m'intéressait. Il s'est donné beaucoup de mal pour m'offrir des possibilités d'apprentissage en plus de m'initier au monde de la formation.
À qui s'adresse la formation que vous offrez?
À tous les policiers opérationnels de la GRC.
Qu'enseignez-vous aux participants?
Tous les aspects des techniques liées à la sécurité des policiers, des tactiques et du maniement des armes à feu.
Quelle est la partie la plus difficile de votre formation?
Comme nombre de ces tactiques, compétences et méthodes de formation sont nouvelles, certains membres n'ont pas assez d'assurance pour penser qu'ils vont réussir. En fait, ils le peuvent, mais ils n'ont jamais eu l'occasion de se le prouver. Le plus difficile est de faire en sorte qu'ils se sentent suffisamment en confiance pour faire des choses qui les sortent de leur zone de confort.
Selon votre expérience, quel type de formation fonctionne le mieux?
Vu la nature de la formation sur le recours à la force, la formation pratique et la formation par scénarios sont les plus efficaces d'après mon expérience. Pour développer ou acquérir une nouvelle compétence, il faut exécuter et répéter le mouvement aussi souvent que possible afin de créer une mémoire musculaire qui nous permettra de réagir le plus rapidement possible dans une situation de stress. La formation par scénarios, lorsqu'elle est donnée correctement, que des munitions non mortelles sont utilisées et que les acteurs bougent en temps réel, et non au ralenti, est très proche de la réalité. C'est la meilleure façon de faire vivre une situation de stress aux participants et de voir comment ils réagissent.
De quelle façon votre domaine de compétence a-t-il évolué?
Au cours des 12 à 18 derniers mois, nous avons adapté et modernisé la formation aux armes à feu et certains de nos cours de formation tactique. Nous offrons maintenant une formation plus réaliste et utile à nos membres lors des séances de tir ou de déploiement rapide pour action immédiate (DRAI). Nos membres développent de nouvelles compétences, ils prennent de l'assurance et améliorent la maîtrise de leur arme à feu. Lors de l'épreuve annuelle de qualification au tir (EAQT), les membres ne tirent plus sur une cible statique à répétition. De nouvelles compétences sont enseignées chaque année. Les nouvelles tactiques apprises lors de la formation sur le DRAI s'appliquent aussi aux activités policières quotidiennes et elles permettent aux membres d'acquérir de nouvelles compétences qui assureront leur sécurité.
Est-ce qu'un participant a déjà parlé de l'utilité de votre formation?
Nous recevons constamment des commentaires venant du terrain, certains positifs et d'autres concernant des améliorations à apporter à tous nos programmes. Les nouveaux programmes, notamment le DRAI à l'extérieur et les changements apportés à l'EAQT, ont été très bien accueillis. Un membre récemment impliqué dans un affrontement ayant mené à l'emploi d'une force mortelle nous a fait part de ses commentaires. Selon lui, c'est grâce aux compétences et à la confiance acquises à l'EAQT qu'il a pu demeurer en sécurité et intervenir lors de cet incident.
Quel conseil donnez-vous aux policiers en matière de formation?
La plupart des membres que je rencontre lors de ces séances, qu'ils aient plus ou moins d'ancienneté, sont désireux d'apprendre et heureux de développer de nouvelles compétences. Je leur dirais de toujours agir avec assurance et de ne pas avoir peur de faire des erreurs. Voilà le but de la formation : apprendre et être meilleur après l'avoir suivie qu'avant d'arriver au site de formation.
Serg. Blaine Landry
Lieu : École de la GRC (Division Dépôt), Regina (Sask.)
Cours enseignés : Je suis responsable de la Section de la recherche et de la formation par simulateur à la Div. Dépôt. De concert avec d'autres groupes divisionnaires, j'enseigne l'intervention exigeant le recours à la force, le programme de conduite, la conduite de véhicules d'urgance et les rudiments du maniement des armes à feu.
Pourquoi êtes-vous devenu instructeur?
J'envisageais de devenir enseignant avant d'entrer à la GRC. Enseigner à la GRC en étant policier, c'est le meilleur des deux mondes. C'est un rêve devenu réalité.
À qui s'adresse la formation que vous offrez?
J'enseigne principalement aux cadets, mais aussi à nos instructeurs à la Division Dépôt.
Qu'enseignez-vous aux participants?
Le recours à la force et la justification du Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI), la conduite, la connaissance de la situation et de l'environnement et le cours de conduite avancé de véhicules prioritaires. Les participants apprennent à prendre des décisions éclairées et sous pression et à comprendre pourquoi ils ont posé certains gestes. Le simulateur nous offre de nouvelles possibilités et il nous permet de faire vivre de nouvelles expériences aux cadets.
Quelle est la partie la plus difficile de votre formation?
La plupart des participants assimilent toute la formation, mais certains seulement des parties. La prise de décision et l'explication peuvent prendre plus de temps à assimiler.
De quelle façon votre domaine de compétence a-t-il évolué?
Il n'y avait pas de simulateur il y a dix ans, voilà un gros changement. De plus, les exigences du travail policier ont considérablement changé. De nouvelles préoccupations sont apparues : les téléphones munis de caméras, l'attitude des gens à l'endroit des policiers, les normes des tribunaux et les attentes.
Quel conseil donnez-vous aux policiers en matière de formation?
Ne cessez jamais d'apprendre et prenez toujours le temps de développer vos compétences. Le travail policier est un marathon, pas un sprint : gardez la forme, ménagez-vous et restez en santé.
S.é.-m. Norm Leger
Lieu : Collège canadien de police, Ottawa (Ont.)
Cours enseignés : Je gère la Section de la formation aux techniques d'enquête. J'ai enseigné le Cours des témoins experts ainsi que les cours de techniques d'enquête sur les drogues et le crime organisé.
Pourquoi êtes-vous devenu instructeur?
Je voulais redonner aux secteurs et aux domaines de spécialité où j'ai aimé travailler. Il s'agit également d'un milieu qui vous permet d'être créatif au travail.
À qui s'adresse la formation que vous offrez?
À tous les policiers de la GRC et aux autres services de police (au pays ou à l'étranger).
Qu'enseignez-vous aux participants?
Les compétences d'enquête sur les drogues, le crime organisé, la criminalité financière, la traite des personnes et la formation sur le soutien aux enquêtes pour les commandants des interventions, les négociateurs en situation de crise et les analystes du renseignement. On enseigne aussi la préparation de curriculum vitae et de rapports de preuve sous forme d'opinion, les compétences en communications et les témoignages en cour.
Quelle est la partie la plus difficile de votre formation?
Changer les vieilles habitudes, c.-à-d. la mentalité du « nous avons toujours fonctionné de cette façon », et mettre en œuvre de nouvelles techniques de formation.
De quelle façon votre domaine de compétence a-t-il évolué?
L'arrivée de la technologie. Nous avons ajouté la simulation à certains de nos cours au Collège canadien de police, de façon semblable à la version adulte d'un jeu vidéo, afin de compléter les exercices basés sur des scénarios. Elle permet à l'instructeur d'évaluer la compréhension d'un concept chez les participants, de formuler des commentaires objectifs à un participant et de réduire au minimum les besoins en ressources humaines au cours d'une longue période lors des exercices pratiques et des évaluations.
Depuis l'arrivée de la simulation, tout progresse très rapidement. Nous pouvons maintenant ajouter de l'équipement de surveillance des signes vitaux à nos systèmes pour suivre le rythme cardiaque d'un participant lors de situations stressantes. Nous pouvons utiliser les systèmes d'Oculus Vision Technology, etc. On entend parler d'un nouveau module d'extension presque chaque semaine.
La technologie peut être une arme à double tranchant. Elle peut être très efficace et parfois essentielle, mais il peut être difficile et coûteux de rester au fait des progrès.
Est-ce qu'un participant a déjà parlé de l'utilité de votre formation?
Un des participants a déjà suivi le Cours de techniques d'enquête sur les drogues et, plus particulièrement, une séance sur les caractéristiques d'un suspect armé. À son retour au travail, il a intercepté un véhicule et un passager en est sorti avant de s'enfuir. Grâce à la formation, il a rapidement formulé l'hypothèse que le suspect était armé et il en a immédiatement informé un autre policier à proximité. Le suspect a été arrêté en toute sécurité et, lors de la fouille, ils ont trouvé une arme de poing chargée cachée sur lui.
Quel conseil donnez-vous aux policiers, jeunes ou d'expérience, en matière de formation?
Faites part de votre point de vue et de votre expérience, peu importe le temps passé au travail. J'entends souvent les participants dire qu'ils apprennent des expériences des autres, surtout lorsqu'ils peuvent réfléchir à la façon dont ils auraient pu agir après avoir analysé leurs gestes. Les membres plus jeunes ont de très bonnes idées et ils m'ont appris beaucoup de techniques vraiment innovatrices. Soyez plus qu'une éponge qui absorbe l'information : parlez!
De plus, soyez ouvert aux nouvelles façons de travailler, surtout lorsqu'une technologie est mise en œuvre. C'est la voie de l'avenir.
Cap. Kelly Godard
Lieu : Section nationale sur le recours à la force, DG, Ottawa, (Ont.)
Cours enseignés : Je m'occupe surtout de la carabine de patrouille [semi-automatique], mais j'enseigne aussi aux instructeurs de vélo de montagne, aux instructeurs en sécurité publique et policière et en maniement d'armes à impulsions ainsi qu'aux instructeurs de tir de base et de tir à la carabine à la GRC.
Pourquoi êtes-vous devenu instructeur?
Ma passion pour l'enseignement a débuté bien avant d'entrer à la GRC. Avant de devenir gendarme, j'ai été instructeur de ski à Whistler, (C.-B.). J'ai aussi été instructeur de ski nautique, de vélo de montagne, de rugby et de hockey mineur. Poursuivre cette passion à la GRC était tout à fait naturel.
À qui s'adresse la formation que vous offrez?
Le cours sur la carabine de patrouille est destiné aux membres réguliers [policiers de la GRC opérationnels]. Je donne de nombreux autres cours, mais pour l'instant je me concentre sur la création, la mise à jour, l'amélioration et l'offre de la formation nationale aux utilisateurs de la carabine de patrouille.
Qu'enseignez-vous aux participants?
Ils apprennent la nomenclature des armes à feu, les pratiques de sécurité exemplaires et les principes de base du tir à la carabine. Bien que tous les participants soient déjà des membres réguliers compétents, il leur reste beaucoup à apprendre avec cette arme. Ils apprennent à tirer avec précision à partir de différentes positions ou dans des situations semblables à ce qu'ils pourraient vivre sur le terrain. Au lieu de tirer sur des cibles statiques, nous offrons aux participants une formation plus dynamique et tactique.
Quelle est la partie la plus difficile de votre formation?
Le cours, d'une durée de cinq jours, est exigeant physiquement et mentalement. Comme la plupart des participants touchent à ce type d'arme à feu pour la première fois, ils ne savent pas comment tirer ou l'utiliser avec efficacité. Les principes de base du tir à la carabine sont nouveaux pour eux : ils doivent rapidement tirer en se déplaçant en faisant appel à des tactiques judicieuses. Il s'agit d'un apprentissage difficile.
Selon votre expérience, quel type de formation fonctionne le mieux?
Il importe d'avoir une compréhension élémentaire de ce que vous êtes sur le point d'apprendre, voilà pourquoi la formation en classe et en ligne est utile. Il faut ensuite manipuler l'arme à feu pour apprendre comment appliquer les principes de base des tactiques et du tir. Finalement, les participants doivent montrer que l'ensemble de leurs nouvelles compétences répond à une norme de compétence lors de la formation par scénarios. Cette formation est sans doute le facteur le plus important, puisqu'elle assure le succès des participants sur le plan opérationnel. En définitive, nous voulons assurer la sécurité de tous, et il s'agit du meilleur outil pour donner une rétroaction sur leur progression.
De quelle façon votre domaine de compétence a-t-il évolué?
La carabine de patrouille est une arme à feu relativement nouvelle à la GRC. Le premier cours destiné aux membres réguliers a été mis à l'essai en 2013. Depuis, des tactiques et des pratiques exemplaires nouvelles et améliorées ont souvent été ajoutées au matériel de formation. Il s'agit d'un processus en constante évolution visant à améliorer le produit final pour nos membres. Nous nous efforçons de rester à l'affût des nouvelles tendances et le matériel de formation doit en tenir compte.
Est-ce qu'un participant a déjà parlé de l'utilité de votre formation?
Absolument. Un membre ayant suivi le cours a été impliqué dans un incident avec la carabine la semaine suivante. Sans la carabine, les choses auraient pu mal tourner. En mettant à profit son expérience et la formation qu'il avait suivie, le membre a pu maîtriser la situation.
Quel conseil donnez-vous aux policiers en matière de formation?
Il importe de se tenir à jour. Qu'il s'agisse de tirer à la carabine ou de passer les menottes, ces compétences renouvelables pourraient sauver votre vie ou la vie de quelqu'un d'autre. Nous quittons la maison chaque jour en pensant revenir, c'est pourquoi il est essentiel d'être aussi préparés que possible. Cela dit, je conseille à tout le monde d'être humble, ouvert et préparé, et de prendre toutes les possibilités de formation au sérieux. Les membres et la population vivront ainsi en sécurité.