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Pour Norman Prentice, devenir membre de la GRC constituait l'emploi rêvé. Mais il y avait un hic – il ne voulait pas déménager.
Après avoir passé 31 ans dans la petite ville de Beechy (Sask.), la pensée de bouleverser sa vie et de déplacer sa famille pour un poste à l'autre bout du pays n'avait aucun sens.
Il s'est donc résigné à l'idée qu'il n'était peut-être pas fait pour le travail policier. Jusqu'à ce qu'il tombe sur une annonce d'emploi au détachement local de la GRC concernant un nouveau rôle de soutien policier : celui de gendarme communautaire.
« J'ai décidé qu'à ce stade de ma vie, je pouvais me lancer,
explique M. Prentice, âgé de 52 ans. Le plus important, c'est que je n'allais pas devoir déménager. Les gens de mon entourage étaient très contents pour moi.
»
L'offre d'emploi a attiré des candidats des Territoires du Nord-Ouest, du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, où le poste est mis à l'essai. Des hommes et femmes de tous âges et de diverses cultures et antécédents ont soumis leur candidature; certains avaient de l'expérience du travail de police, d'autres non.
La première troupe de gendarmes communautaires a été promue en février 2016, et les nouveaux membres sont retournés au détachement de leur localité. Ils mettront à profit leurs compétences nouvellement acquises, ainsi que leurs relations dans la collectivité, pour servir dans leur ville.
Un visage connu
Il y a deux ans, la GRC a décidé de créer le poste de gendarme communautaire. Distinct du gendarme aux services généraux, qui est membre régulier, le gendarme communautaire joue un rôle particulier.
« C'est une personne de la localité qui veut y apporter sa contribution,
précise Mike Lahache, analyste des politiques aux Services nationaux de prévention du crime (SNPC) à la GRC. Quelqu'un qui a des liens étroits dans la communauté et qui connaît bien les gens.
»
Le poste s'adresse à ceux qui ont une présence active et établie dans la collectivité. L'âge moyen des gendarmes de la première troupe oscille autour des 40 ans – ils sont beaucoup plus vieux que la plupart des cadets formés à la Div. Dépôt, l'École de la GRC à Regina (Sask.).
Les gendarmes communautaires soutiennent le travail des membres réguliers, plus particulièrement sur le plan de la participation communautaire et de la prévention du crime. Le programme table sur les liens que les recrues ont noués et la réputation qu'elles se sont taillée dans leur quartier; en retour, elles ont l'assurance de réintégrer leur foyer après la formation.
Comme les membres réguliers sont réaffectés périodiquement à différents détachements partout au pays, ils ont rarement le temps de s'adapter à leur milieu, d'installer leur famille et de bien connaître les résidants, ce qui a des conséquences sur les gens de la localité, qui doivent composer avec un roulement constant et de nouveaux visages.
« Ce peut être ardu pour la collectivité,
explique Jordan Saucier, également analyste des politiques en prévention du crime aux SNPC. Le programme favorise la présence à long terme dans la collectivité de membres vers lesquels les gens peuvent se tourner.
»
Nombre des recrues vivent dans leur collectivité depuis des années, et prévoient y demeurer à long terme. En tant que père de deux enfants et exploitant de deux épiceries locales avec son épouse, M. Prentice est une figure établie à Beechy. Il a également été pompier bénévole, paramédical en soins primaires en disponibilité et coroner pour les détachements locaux.
« Je connais près de 90 p. 100 des gens dans le secteur,
précise-t-il. Grâce à mes antécédents, j'espère avoir gagné le respect de mon entourage, ce qui sera utile dans mon nouveau rôle.
»
Un rôle polyvalent
Le gendarme communautaire a pour mandat d'exercer presque toutes les tâches d'un membre régulier : premier intervenant sur le lieu d'un incident, conduite d'une auto-patrouille, port d'une arme, visite des écoles et port de l'uniforme, y compris du pantalon à bande jaune.
« Ils s'apparentent en tous points aux membres réguliers,
précise M. Lahache. Nous voulions que les titulaires soient le plus polyvalents possible.
»
Cela dit, une tâche est exclue de leurs attributions : la réalisation d'une enquête. Leur mandat est davantage axé sur la prévention du crime et la police communautaire que sur la résolution de crimes. Par conséquent, leur formation se limite à 21 semaines, soit trois de moins que celle des membres réguliers.
Nombre des gendarmes nouvellement promus appliqueront leur nouvel arsenal de compétences à la prévention du crime, surtout au sein des enfants et des adolescents de leur localité.
« L'idée d'exercer la prévention dans le travail de police était réellement stimulante,
explique la gend. Trina Brace, gendarme communautaire à Moosomin (Sask.). J'espère visiter les écoles afin de permettre aux gens de mettre un visage sur la police et leur faire savoir qu'en cas de problème, ils peuvent toujours s'adresser à moi.
»
La femme de 43 ans avait précédemment touché à l'application de la loi lors d'un stage à l'Agence des services frontaliers du Canada à Saskatoon huit ans auparavant avant de déménager à Moosomin. Dans la petite ville de 3 000 habitants, la gend. Brace a d'abord travaillé au détachement de la GRC comme commis, où les relations avec la communauté l'ont enchanté.
« J'insistais constamment auprès de mon chef de détachement pour qu'il me mette en interaction avec la communauté,
précise la gend. Brace. Je voulais ardemment être en contact direct avec les gens, plutôt que de leur parler au téléphone.
»
Si elle a travaillé dans un détachement, la gend. Brace n'avait cependant jamais sérieusement envisagé devenir membre de la GRC. Mère de trois enfants, elle ne voulait pas déménager ni séparer les membres de sa famille. Lorsqu'elle a pris connaissance de l'offre d'emploi de gendarme communautaire à la page Facebook de la GRC, le poste de police communautaire fixe à long terme lui semblait la situation idéale.
« Grâce à mes autres activités – au sein du conseil scolaire, comme entraîneur sportif et comme membre du conseil d'administration du centre de ressources pour la famille – j'avais déjà établi de solides relations avec les gens de la collectivité et dans la région
», explique-t-elle.
Aujourd'hui, la gend. Brace espère tirer parti des liens noués dans les 11 dernières années à Moosomin pour lutter contre les activités liées à la drogue dans les écoles et contre les crimes contre les biens dans la rue.
Combler un vide
Dans les grandes et petites villes ou en milieu rural, le gendarme communautaire est un acteur utile sur le plan de la compréhension culturelle qui permet aux policiers de mieux répondre aux besoins de la localité.
Brandon, au Manitoba, compte une vaste population multiculturelle de nombreux immigrants. Le gend. Samuel Oyenuga vient d'y rentrer après sa formation de gendarme communautaire. Il espère mettre à profit son expérience et ses antécédents d'Afro-Canadien pour établir des liens avec la collectivité et aider les nouveaux arrivants à s'y intégrer.
« Issu d'une autre culture, je jouis d'une perspective différente,
explique le gend. Oyenuga. Grâce à mes connaissances, je comprends comment les gens se sentent lorsqu'ils viennent s'établir dans un autre pays et une autre culture. Je peux conseiller et orienter les gens pour résoudre les problèmes éventuels.
»
Le gend. Oyenuga est venu au Canada du Nigeria en 2006 pour poursuivre ses études postsecondaires à Winnipeg. À l'obtention du diplôme, il voulait amorcer une carrière en application de la loi et s'est installé à Brandon en 2010 pour travailler comme agent correctionnel. L'annonce du poste de gendarme communautaire l'a inspiré et il a posé sa candidature.
« À mon arrivée à la GRC, je n'ai pas eu à nouer des relations, parce que j'avais déjà établi des contacts, explique-t-il. La plupart de mes collègues à Brandon sont heureux de ne pas avoir à me montrer toutes les ficelles –, je connais le secteur et les gens. »
Grâce à son travail d'agent correctionnel, le gend. Oyenuga a des liens avec le bureau de probation, la Société John Howard pour les anciens détenus, de nombreux organismes non gouvernementaux, la police de Brandon, la Mobile Crisis Unit et l'hôpital régional de Brandon.
« Je peux dire aux gens que je suis ici pour rester et assurer la continuité du service,
dit-il. Il importe d'avoir quelqu'un qui connaît les membres de la population et leur culture, qui a établi des liens et qui peut renseigner les nouveaux policiers sur la communauté. »
Perspective d'avenir
Les 15 membres de la première promotion sont rentrés dans leur secteur d'attache en mars. Les nouvelles recrues et leur collectivité respective ont hâte de voir des changements positifs se profiler à l'horizon.
« Deux écoles m'ont pressentie pour donner des exposés
», précise la gend. Brace, qui organise déjà son programme de visites.
De même, de nombreuses personnes dans la ville du gend. Prentice attendaient ardemment son retour pour décourager les délits mineurs, car une série de vols a eu lieu récemment dans le garage de plusieurs voisins.
« Des voisins m'ont dit : 'ta présence sera utile, si les gens savent que tu es de retour, peut-être que cela en dissuadera quelques-uns.'
»
Le programme doit être évalué par la GRC d'ici quelques années, mais l'intérêt pour celui-ci se manifeste déjà au Nouveau- Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Yukon. Si le projet est une réussite, il sera étendu au reste du pays.