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En se mettant au volant, le policier pose l'un des actes les plus vulnérabilisants de son quart de travail, et le danger auquel il est exposé augmente en cas de problème sur la route. Nous avons demandé à quatre experts de la GRC de nous parler des situations les plus dangereuses en voiture et des moyens de réduire les risques de blessures chez les policiers et le public.
Les experts :
- Trevor Boulanger, agent de sécurité au travail de la GRC, Winnipeg (Manitoba)
- Julie Furlotte, gestionnaire nationale de l'Actif mobilier de la GRC, Ottawa (Ontario)
- Serg. Sam Tease, Groupe national du recours à la force de la GRC, Ottawa (Ontario)
- Bruce Christianson, directeur, Programme et Politique de sécurité au travail de la GRC, Ottawa (Ontario), serg. Rhéal Morin et Donald McInnes
Trevor Boulanger
À la GRC, il règne une profonde conviction que les plus grands risques pour les policiers et les autres employés viennent des comportements violents de leurs clients. Ces risques-là sont certes bien réels.
Or, selon le Tableau d'honneur de la GRC, près de 80 policiers sont décédés lors d'incidents de transport survenus dans l'exercice de leurs fonctions, c'est-à-dire en accomplissant l'une des tâches ordinaires sur lesquelles ils avaient le plus de contrôle.
Les véhicules de la GRC sont plus sécuritaires que jamais, les codes de la route ont été renforcés, la formation en conduite de police est à son meilleur, la conception des routes au Canada s'améliore chaque année et la médecine fait des miracles pour les accidentés de la route. Que faire de plus à la GRC pour éviter les décès attribuables aux collisions de véhicules de police?
Nous devons instaurer une culture de prudence au volant. Les cadets qui arrivent à Dépôt (l'École de la GRC) ont de plus en plus de connaissances pratiques et de vécu. Ils apportent ainsi des perspectives et des idées nouvelles en ce qui touche la sécurité au travail. Il faut encourager les solutions qui favorisent la sécurité et bannir les comportements qui entraînent des risques.
Les codes provinciaux de la route permettent au personnel des services d'urgence de dépasser la limite de vitesse établie dans certaines situations. Il existe aussi des dispositions l'exemptant de porter la ceinture de sécurité. La formulation peut varier légèrement, mais le message reste le même : ces exceptions ne s'appliquent qu'en des circonstances très précises.
Par exemple, en milieu urbain, il est inacceptable pour les conducteurs de véhicules d'urgence de traverser une intersection à grande vitesse au risque de causer une collision juste pour se rendre au lieu d'un incident. Des modifications apportées à l'échelle de l'industrie pour changer les comportements de ces conducteurs ont grandement réduit les risques qu'ils courent eux-mêmes et qu'ils font courir aux clients et au public. L'arrêt presque complet qu'ils effectuent désormais à chaque intersection a fait chuter le nombre d'accidents qui leur sont associés.
S'il est impossible d'apprécier la valeur d'une vie humaine, il est facile de le faire pour le matériel. Le coût financier de l'achat, de l'équipement et de l'aliénation d'un véhicule de police de type Ford Taurus devenu inuti-lisable par suite d'une collision est de plus de 60 000 $. Il s'agit là d'une perte significative.
Notre matériel, parmi le meilleur du secteur policier, n'offre tout de même qu'une protection limitée. Conduire à haute vitesse ou ne pas porter la ceinture de sécurité augmentent les risques.
Notre comportement au quotidien influence l'avenir. Pour réduire la fréquence et la gravité des incidents dangereux, il faut s'employer à faire chaque tâche, même la plus banale, de façon sécuritaire.
Julie Furlotte
Les policiers contribuent de façon importante à l'entretien des véhicules. Le Bureau national du parc automobile établit les politiques en la matière, mais il appartient aux détachements et aux services qui possèdent les véhicules de voir à leur entretien, qu'il s'agisse de voitures, de motoneiges, de véhicules tout-terrain ou de bateaux.
Il arrive à tout le monde d'être débordé par le quotidien et d'oublier ou de remettre à plus tard des travaux d'entretien mécanique, même pour son véhicule personnel. Cela se comprend.
Les véhicules de police sont cependant un outil de première ligne essentiel, de véritables « bureaux mobiles » équipés d'instruments opérationnels cruciaux tels que des armes, des dispositifs de communication ainsi que des gyrophares et une sirène. Si un véhicule fonctionne mal, le problème peut influer sur le délai d'intervention et la capacité de renfort.
Quelques conseils pour rester en sécurité :
- Chargez un membre du service ou du détachement de veiller à l'entretien des véhicules.
- Pour la gestion de son parc automobile, la GRC fait affaire avec la société ARI, qui offre une carte pour le paiement des frais de carburant et d'entretien ainsi qu'un système de gestion de parc en ligne. Utilisez ce système pour faire le suivi des travaux d'entretien et recevoir des rappels quant aux vérifications à effectuer.
- Connaissez tout l'équipement d'urgence du véhicule. Ainsi, lorsque survient une urgence, vous n'aurez pas à réfléchir à la façon d'en activer les différents éléments.
- Faites une inspection avant de prendre la route pour vous assurer que tout l'équipement d'urgence se trouve dans le véhicule et qu'il fonctionne bien. Le formulaire « Rapport d'inspection de véhicule de police » peut être utilisé à cette fin.
Les véhicules de police doivent braver des conditions de toutes sortes. Les fabricants les considèrent donc comme des véhicules « à usage intensif » qui présentent des exigences d'entretien particulièrement élevées. Pour servir de bureau mobile, il est essentiel que chacun soit bien entretenu et en bon état de fonctionnement.
Serg. Sam Tease
Le Groupe national du recours à la force (GNRF) de la GRC mène plusieurs initiatives pour favoriser la sécurité des policiers travaillant à l'intérieur ou à proximité de véhicules de police.
Le cours Déploiement rapide pour action immédiate (DRAI) à l'extérieur ‒ Habiletés pratiques, lancé en avril 2016, comporte une séance consacrée à la façon de réagir à une menace de tir lorsqu'on se trouve près d'un véhicule de police.
Lors de ce cours obligatoire, les policiers apprennent des stratégies pour utiliser leur véhicule le mieux possible dans le cas d'une fusillade, essentiellement en faisant des déplacements tactiques et en s'assurant d'une protection balistique optimale. Ils appliquent ensuite ces techniques lors de mises en situation réalistes avec des cartouches à projectile marquant. Les commentaires des participants ont été extrêmement positifs jusqu'à maintenant.
Au début de 2018, le GNRF s'est joint à Apprentissage et Perfectionnement de la GRC pour actualiser le cours en ligne annuel obligatoire sur le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents afin d'améliorer la sécurité des policiers lorsqu'ils travaillent près de véhicules.
Chacun sait que les risques associés aux contrôles routiers varient toujours d'une fois à l'autre. Nous voulions faire de la sensibilisation et lancer une discussion à ce sujet.
Il est crucial de garder une bonne conscience de la situation. En procédant à un contrôle routier de façon réfléchie et en connaissant les zones d'approche, les voies de fuite et les zones à éviter lorsque vous circulez autour de véhicules, vous pourrez faire une évaluation judicieuse des risques. Cela vous aidera à prendre de bonnes décisions, qui accroîtront votre sécurité et celle du public.
Les éléments ajoutés au cours visaient à rappeler aux policiers que lorsqu'ils travaillent près de véhicules, ils doivent penser de manière stratégique, toujours se soucier de leur mobilité et veiller à se placer en position sûre.
À la fin du cours, un nouveau guide fournit un lien vers la politique sur les tirs en direction de véhicules.
Il est non seulement contraire à la politique, mais extrêmement dangereux de tirer sur un véhicule pour l'immobiliser. Cela ne freine en rien ou presque la course du véhicule et augmente en fait les risques pour le public et la police.
Le GNRF collabore avec plusieurs partenaires policiers externes pour élaborer un cours sur l'extraction de sujets coopératifs lors de contrôles routiers à risque élevé. Des membres de notre personnel ont mis au point des techniques à cet égard qui pourraient être simplifiées et mieux harmonisées à des programmes comme le DRAI à l'extérieur ‒ Habiletés pratiques.
Après avoir vu comment les autres corps policiers canadiens emploient ces techniques, le GNRF a produit un cours actualisé sur les procédures d'extraction lors de contrôles routiers. Ce cours est maintenant à l'essai. Lorsqu'il sera finalisé, des mises à jour seront diffusées aux policiers de la GRC et les techniques seront enseignées dans le cadre de formations divisionnaires (provinciales).
La formation en bloc de 2020 comportera aussi une séance pratique sur les dangers qui guettent les policiers lorsqu'ils font des contrôles routiers ou qu'ils travaillent près de véhicules. Au cours de cette séance, les participants pourront échanger sur des moyens de se protéger et de maintenir leur vigilance.
Soyez toujours conscients de ce qui vous entoure, entraidez-vous et restez prudents.
Bruce Christianson
Les policiers mettent leur vie en danger chaque jour. Les risques les plus évidents tiennent aux comportements imprévisibles de suspects dangereux ou d'agresseurs armés.
Une importante proportion des décès et des blessures graves qui surviennent au travail découlent toutefois d'accidents de la route. Les policiers peuvent réduire les risques de cette nature en évaluant les précautions qu'ils prennent pour assurer leur propre sécurité.
Monter en voiture peut être le geste le plus dangereux de leur quart de travail. Les distractions (poste de travail mobile, cellulaire, radio de police), la circulation dense, les intempéries, les mauvaises conditions routières, les poursuites, la fatigue, les pro-blèmes d'ergonomie et les interactions avec la faune, entre autres facteurs, les exposent à un risque d'accident accru.
Par exemple, l'utilisation d'un cellulaire nuit beaucoup à la conduite automobile. La vitesse inadaptée aux conditions routières ou dépassant la limite permise joue aussi un rôle important dans bien des collisions impliquant un policier.
La fatigue pose également un grand risque, tout autant que la conduite avec facultés affaiblies, car elle augmente le temps de réaction, diminue la concentration et fausse le jugement.
Le manque de sommeil est l'une des premières causes de la fatigue au volant. D'autres facteurs peuvent aussi y contribuer, comme parcourir une longue distance sans faire de pauses, rouler à une heure où l'on dort normalement ou prendre des médicaments, de la drogue ou de l'alcool. C'est un problème qui touche beaucoup les policiers en raison de leurs longues heures de travail.
Prévenir et gérer la fatigue peut réduire les décès, les blessures, les cas d'incapacité et les dommages matériels. Les collisions impliquant un véhicule de police, quel qu'il soit, ne sont pas toujours imputables au policier qui le conduit, mais le degré de vigilance et la réaction de ce dernier peuvent compter pour beaucoup.
Avant de prendre le volant, mieux vaut atténuer les risques sur lesquels on peut agir. En plus d'éviter les distractions, de respecter les limites de vitesse, d'adopter une conduite préventive, de porter sa ceinture de sécurité et de s'assurer d'être bien reposé, on peut faire une inspection rapide du véhicule, veiller à son entretien régulier et porter son gilet haute visibilité ou son blouson de patrouille lorsqu'on se trouve en voiture ou près de véhicules en circulation.
Les accidents de la route qui mettent fin à une carrière ne sont malheureusement pas rares.
Soyez prudents et portez attention à ce qui vous entoure.