Les 550 adolescents qui entrent dans l'auditorium d'une école à Dawson Creek (C.-B.) ont l'air blasé. Même lorsque le rideau se lève sur Love Bomb, une audacieuse comédie musicale sur la traite de personnes, ils ne s'attendent à rien d'extraordinaire.
Puis un acteur lâche un gros sacre qui provoque une surprise enchantée dans la foule. La réplique d'ensuite fait tomber un silence de plomb et le tour est joué : les jeunes sont conquis.
C'est toujours la même chose, selon la cap. Sue Harvey, superviseure à la Police des Autochtones de la GRC en Alberta.
« Ce n'est pas la première fois qu'on leur parle de sécurité, mais là, ils écoutent vraiment », constate la cap. Harvey, qui a conçu le projet et coordonné la présentation de la pièce à plus de 60 reprises partout en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan depuis 2016.
La pièce, qui se fonde sur des dossiers de police réels, s'inscrit dans un partenariat entre la GRC et Shameless Hussy Productions qui vise à faire connaître les dangers de l'exploitation sexuelle dans les collectivités canadiennes. Selon la cap. Harvey, c'est le fait de susciter ce genre de réaction qui rend l'œuvre si percutante.
« La musique est universelle et prisée des jeunes, d'où son utilité pour faire passer des messages », note la serg. Stephanie Ward, de la Police des Autochtones de la GRC en Alberta.
Les gens qui ont vu le spectacle disent souvent qu'ils ne pensaient pas que la traite de personnes et l'exploitation sexuelle touchaient leur petite communauté, mais ces crimes sont plus courants qu'on ne le croit, souligne-t-elle.
Entre 2005 et 2017, la GRC a déposé des accusations de traite de personnes dans 401 dossiers, selon le Centre national de coordination contre la traite de personnes.
« Il y a des filles et des garçons sans estime de soi, qui fuient peut-être une situation familiale difficile en quête d'amour et d'attention, et les proxénètes en profitent », explique la serg. Ward en parlant du phénomène parfois appelé bombardement d'amour. « Ils jouent le rôle de l'amoureux pour les attirer, leur offrant stabilité, cadeaux et affection. Puis ils usent de violence et d'intimidation pour les retenir. »
Après chaque représentation, les spectateurs sont invités à participer à des séances de discussion animées par un groupe d'acteurs, de policiers et d'intervenants d'organismes partenaires qui fournissent des statistiques locales pour dissiper les méprises courantes sur la traite de personnes et faire de la sensibilisation en la matière.
La serg. Ward a participé à cinq de ces séances.
La pièce Love Bomb n'atteint pas que les jeunes. Selon la cap. Harvey, l'information présentée lors du spectacle et des séances de discussion a même aidé la police dans certaines localités.
« Il y a eu lancement d'enquêtes qui n'auraient peut-être pas été ouvertes avant notre passage, parce que l'incident aurait été classifié à tort comme un cas de prostitution, de drogue ou de vol », fait valoir la cap. Harvey, insistant sur l'importance cruciale de la sensibilisation.
« La musique peut à elle seule franchir toutes les barrières sociales et faire comprendre à tous, quels que soient leur âge ou la taille de leur communauté, qu'il faut être conscient du problème pour protéger les gens », conclut-elle.