Lorsqu'il s'agit de la technologie et de son rôle dans le travail policier, Robert Aboumitri, analyste des données de communication de la GRC, ne cache pas sa volonté d'innover. À sa demande, la GRC a créé l'Équipe d'analyse des données de communication (EADC) qu'il dirige, première en son genre au Canada. Il explique, sous la plume de Deidre Seiden, ce que la police peut tirer des téléphones cellulaires afin d'orienter ses enquêtes.
Pourquoi avoir recommandé la création de l'EADC?
Au début de 2008, j'étais affecté au Liban pour soutenir l'enquête sur l'assassinat d'un ancien premier ministre. Les données étaient nombreuses : tous les appels passés au pays stockés dans une base informatisée.
Nous avons tenté d'obtenir des résultats en expérimentant des techniques d'analyse. À mon retour au Canada, j'ai commencé à vanter à la GRC les mérites cachés de ces données, sachant que chaque cellulaire possède une empreinte numérique distincte.
Qu'est-ce que des données de communication?
Ce sont essentiellement des métadonnées que nous obtenons en toute légalité de di-vers fournisseurs, comme Rogers. Elles nous renseignent sur la communication. Nous recevons et examinons les détails de ces données et non leur contenu.
Ces métadonnées sont des renseignements sur les appels téléphoniques. Il ne s'agit plus de savoir que l'utilisateur d'un
téléphone A a communiqué avec celui d'un téléphone B. On peut désormais connaître le numéro de l'appareil, les contacts, les stations cellulaires, la date, l'heure et la durée de l'appel, le numéro de série du téléphone, etc. Si un suspect a utilisé plusieurs numéros [cartes SIM] sur le même appareil, on peut le savoir aussi.
Nous interprétons donc cette information, créons des documents visuels pour l'expliquer et élaborons un rapport complet à l'intention de l'équipe d'enquête.
Comment interprétez-vous ces données?
Nous les normalisons et les organisons de sorte à les transformer en information. Une date prise seule ne signifie rien. Mais, si je l'associe à un jour de la semaine, je peux trouver les habitudes d'usage du dimanche, par exemple. Si je l'associe à un mois, je peux savoir à quel mois un suspect a fréquenté un lieu le plus souvent.
Dès que nous avons assemblé plusieurs couches d'information, nous commençons à comprendre la suite des évènements et leur signification. C'est là que nous produisons des renseignements et livrons nos recommandations.
On dirait une forme de surveillance.
Une surveillance du passé, je dirais, ce qui est impossible à faire autrement. C'est l'avantage de notre technique. La nature permanente des données fait que nous pouvons détecter des erreurs commises dans le passé. Par exemple, nous pouvons prouver la présence d'un téléphone dans le secteur d'un acte criminel au moment où ce dernier a été commis, comme nous pouvons aller plus loin et montrer qu'il ne s'y est jamais trouvé au cours des 24 mois précédents.
Un criminel pourra effacer des empreintes digitales et brûler des vêtements, mais il sera incapable de supprimer les données numériques d'un téléphone.
Comment votre équipe vient-elle en aide aux enquêteurs?
À l'ère numérique, nous laissons des fragments de données partout et dans tout. Les appareils mobiles modernes sont omniprésents. Nous dormons avec eux et nous nous en servons pour parler à nos amis et accéder aux sites Web qui nous intéressent. Ils nous accompagnent dans tous nos déplacements et activités. Nous les utilisons comme appareils photos, réveils, calendriers, navigateurs Web – les cellulaires sont les appareils à tout faire de la technologie.
L'usage fréquent de ces appareils en fait des localisateurs de l'usager. Et si vous savez utiliser l'information et la comprendre, elle peut vous être très utile. Les enquêteurs qui n'en profitent pas sont privés de données importantes.
Nous offrons une approche unique qui nous confère un certain avantage. Nous pouvons corroborer bien des preuves impossibles à vérifier par un autre moyen. Vu que nous vivons à l'époque des appareils numériques, nous devons nous y adapter en conséquence afin d'améliorer nos capacités à mener des enquêtes et à faire notre travail de policiers.