Vol. 81, Nº 3Reportages

Les mains d'une femme qui joue à un jeu vidéo.

Face aux «  Les criminels les plus odieux  »

l'impératif du bien-être des employés

Prendre des pauses peut aider les employés du Centre national des crimes d'exploitation d'enfants à réduire les effets psychologiques des images qu'ils examinent. Crédit : GRC

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Il faut une capacité de focalisation hors du commun pour faire le travail des policiers et employés de la GRC appelés à examiner régulièrement des images, des vidéos et des documents qui montrent ou décrivent des sévices sexuels infligés à des enfants.

« Nous ciblons les criminels les plus odieux, qui s'en prennent aux membres les plus vulnérables de la société : les enfants », note la serg. Dawn Morris-Little, gestionnaire du Groupe de l'identification des victimes et des enquêtes secrètes du Centre national des crimes d'exploitation d'enfants (CNCEE) de la GRC. « C'est pourquoi notre travail nous passionne tant. »

Outre leur motivation, les membres de ce groupe misent sur des ressources de soutien psychologique et des logiciels de pointe pour faire leur travail et se concentrer sur les enfants les plus à risque.

Des recherches ciblées

Pour repérer ces enfants, le serg. Arnold Guerin et son équipe de la Section de la technologie du CNCEE utilisent l'intelligence artificielle depuis des années.

Le logiciel d'apprentissage machine employé à cette fin est programmé pour accomplir des tâches précises sans instructions codées.

Dans le cadre d'une enquête sur l'exploitation sexuelle d'enfants, on passe le dossier (c'est-à-dire l'ensemble de données) dans ce logiciel, qui en classe les images soit comme des images légales n'exigeant pas l'attention d'un enquêteur, soit comme des images de violence pédosexuelle qui doivent immédiatement faire l'objet d'un examen ou d'une enquête.

L'ensemble de données peut aussi comprendre des images que les enquêteurs du CNCEE ou d'autres organismes au Canada ou à l'étranger ont déjà désignées comme des images d'enfants exploités sexuellement. Il n'est donc pas nécessaire de les réexaminer.

Savoir qu'ils ne refont pas des démarches déjà effectuées et que leurs efforts peuvent mener à l'arrestation rapide d'un agresseur ou à l'identification d'un enfant donne un sens au travail des employés et contribue à leur bien-être.

« Personne ne veut regarder inutilement de telles images », affirme la serg. Morris-Little.

Une tendance de plus en plus préoccupante

Le CNCEE a reçu plus de 35 600 dossiers depuis le début de 2019. En 2016, il en avait reçu 27 300, chiffre qui est passé à 35 712 en 2017 et à 61 220 en 2018. Certains contenaient une seule image, alors que d'autres en contenaient des milliers.

Le Centre examine tous les dossiers qu'il reçoit, mais n'enquête que sur ceux qui contiennent des photos ou des vidéos confirmées comme montrant des enfants exploités sexuellement.

« Quand une victime a déjà été identifiée, on peut donner la priorité aux nouveaux dossiers et se concentrer sur l'exploitation continue dont elle fait l'objet », souligne la serg. Morris-Little.

Roberta Sinclair gère les Services stratégiques et opérationnels des Services d'enquêtes spécialisées et délicates (auparavant appelés le Centre canadien de police pour les enfants disparus et exploités, Sous-direction des sciences du comportement).

Elle reconnaît que les améliorations technologiques aident à cibler le travail des enquêteurs et à aiguiser leur détermination. Mais il faut aussi les convaincre de s'accorder des pauses.

« C'est parfois difficile, constate-t-elle. Certains ont l'impression d'abandonner le dossier ou l'enfant, alors qu'il n'en est rien. »

D'autres formes de soutien psychologique sont aussi mises à la disposition des employés chargés de dossiers de cyberexploitation sexuelle d'enfants, comme des salles privées, des jeux vidéo ou autres offrant une distraction salutaire et divers programmes de santé mentale de la GRC.

Les ressources technologiques et psychologiques proposées à ces employés ne deviendront que plus nombreuses et variées partout au pays.

Le nombre de dossiers renvoyés au CNCEE continuera de grimper tant que l'accès Internet haute vitesse s'améliorera, que la capacité de stockage d'images d'enfants exploités augmentera et que les coûts de ce stockage resteront abordables.

« Notre travail consiste à protéger l'enfant et à éviter que d'autres soient exploités, résume Arnold Guerin. Si je peux réduire les effets nocifs qu'en subissent les employés au quotidien, je favorise le plus possible leur santé tout en protégeant davantage d'enfants.

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