Lorsque la photo sexuellement explicite d'un enfant est téléversée dans Internet, elle s'ajoute à une vaste collection d'images pratiquement impossibles à trouver pour la police.
Jusqu'ici.
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La GRC mise sur l'intelligence artificielle pour aider les enquêteurs à repérer les nouvelles images des images d'exploitation sexuelle d'enfants et secourir les enfants en péril plus rapidement. En partenariat avec des chercheurs de l'Université du Manitoba et la société de logiciels Two Hat Security Ltd., l'organisation espère appliquer la nouvelle technologie au triage des cas.
Selon la cap. Dawn Morris Little, enquêtrice au Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants (CNCEE), qui relève de la GRC à Ottawa, la priorisation est un aspect essentiel de son travail.
« Chacun de nos dossiers concerne un enfant réel, dit-elle. On traite en priorité les images inconnues ou qui semblent de facture artisanale, car on ne sait pas la date de création, et l'enfant en cause pourrait encore être à risque. »
Depuis 2011, la GRC utilise un logiciel similaire appelé PhotoDNA, qui aide à repérer les images explicites connues et répertoriées. Le logiciel convertit les photos en un code de hachage tout aussi unique qu'une empreinte digitale. Le code est versé dans une base de données, et s'il refait surface n'importe où dans le monde – en ligne ou sur un disque dur – PhotoDNA le signalera.
Cela dit, avec la popularité grandissante des téléphones intelligents et des tablettes, créer des images d'exploitation sexuelle d'enfants n'a jamais été aussi aisé. En 2016, le CNCEE a été saisi de 27 000 dossiers, soit près du double des cas signalés en 2015. Ce nouveau matériel ne peut être repéré par PhotoDNA, car il n'a pas encore été versé dans sa base de données.
« Les occurrences ne font qu'augmenter, alors nous devons trouver un moyen plus efficace de les gérer, explique le serg. Arnold Guerin, de la section technologique du Centre canadien de police pour les enfants disparus et exploités (CCPEDE) et du CNCEE. La technologie de pointe nous offre des outils pour automatiser l'examen des dossiers et repérer les cas à traiter en priorité ».
Vision artificielle
La technologie d'intelligence artificielle, dite vision artificielle, est conçue pour imiter la vision humaine. Elle exploite des algorithmes pour scanner des photos inconnues afin de relever celles qui présentent des probabilités élevées de constituer d'exploitation sexuelle d'enfants.
« Ce qui exigerait des semaines pour un enquêteur ne prendra que quelques minutes ou heures pour un algorithme, explique Brad Leitch, chef du développement de produits chez Two Hat Security. L'algorithme peut éliminer les photos d'arbres, de beignes et de la tour Eiffel avec facilité et prioriser les photos d'exploitation sexuelle vraisemblables pour nous permettre de repérer les victimes et de rapidement traduire en justice les délinquants. »
Dans une enquête sur l'exploitation d'enfants, chaque minute compte. En outre, le délai de conservation de certaines données par la police est régi par la loi, d'où la nécessité de trouver rapidement des éléments de preuve afin de porter des accusations.
« Lorsque nous saisissons un disque dur comptant 28 millions de photos, les enquêteurs doivent les parcourir en entier, précise le serg. Guerin. Mais combien d'entre elles concernent des enfants? Comment trouver ces images? D'où l'importance d'entraîner l'algorithme à reconnaître l'exploitation sexuelle d'enfants. »
L'objectif n'est pas pour l'algorithme d'être précis à 100 p. 100 – les enquêteurs devront passer en revue l'ensemble des ima-ges pour s'assurer qu'aucune n'a été sautée. L'algorithme sert à prioriser les images que la police doit examiner afin d'utiliser les ressources avec efficacité.
Épargner les policiers
En plus d'alléger la charge de travail, des technologies comme PhotoDNA et la vision artificielle peuvent contribuer à protéger la santé et le bien-être des enquêteurs.
« Nous regardons des images que personne ne souhaite voir, d'où l'importance de protéger notre santé mentale, explique Mme Morris Little. Toute forme d'automatisation permet de réduire le risque de séquelles mentales pour l'enquêteur. »
Selon le serg. Guerin, des outils comme la vision artificielle peuvent servir de bouclier, en triant les images avant que celles-ci-ne soient soumises à l'examen d'un enquêteur.
Le logiciel de vision artificielle n'est pas encore au point, mais le serg. Guerin dit espérer que la GRC pourra l'exploiter avant la fin de l'année.
« Si je parviens à atténuer le degré de toxicité à laquelle sont exposés les agents au quotidien, je contribue au maintien de leur santé, tout en protégeant des enfants », conclut-il.