Le cap. Kerry Shima de la GRC enquête sur des meurtres non résolus en Alberta. Certains remontent à plusieurs décennies tandis que d'autres sont relativement récents. Cette année, en plus du traditionnel travail sur le terrain, le cap. Shima a eu recours aux médias sociaux pour obtenir plus d'information sur ces crimes que la police n'a jamais réussi à élucider. Paul Northcott a discuté avec lui.
Qu'est-ce qu'un crime historique, et quel est votre rôle en lien avec ce type de crime?
Le terme « historique » peut porter à confusion. En général, il s'agit d'un homicide qui n'a pas été résolu et dont toutes les pistes ont été explorées. Il peut avoir été commis il y a un an ou il y a 35 ans. Tous les membres de mon équipe sont des enquêteurs. J'assume différents rôles : parfois je suis l'enquêteur principal, d'autres fois je vais sur le terrain pour recueillir des éléments de preuve.
À quel moment une affaire est-elle considérée comme non résolue?
Le groupe des crimes graves enquête sur un meurtre. L'affaire est ensuite amenée devant les tribunaux, et si elle n'est pas résolue, nous pouvons la prendre en charge. Nous étudions aussi des affaires qui remontent à très longtemps et qui amassaient la poussière. Nous les passons en revue dans l'espoir de trouver, par exemple, des indices médico-légaux qui peuvent être revus et soumis de nouveau à l'Identité judiciaire. Peut-être aussi y aura-t-il des personnes qui pourraient être interrogées de nouveau ou d'autres à qui on n'a pas encore parlé pour différentes raisons.
Pourquoi travailler sur ces affaires quand d'autres, plus récentes, peuvent être plus pressantes?
Chaque affaire d'homicide est importante. Nous enquêtons pour les victimes et les membres de leur famille, qui n'oublieront évidemment jamais ce qui s'est passé. Nous sommes conscients que les ressources sont précieuses et nous devons sélectionner les affaires sur lesquelles nous travaillons en fonction de leur viabilité. Notre affaire la plus ancienne remonte aux années 30. Il serait logique de conclure qu'elle ne sera jamais résolue, mais on ne sait jamais quand on obtiendra l'information clé qui justifiera la réouverture du dossier. Pour cette raison, jamais un dossier n'est clos.
Quels éléments vous amènent à rouvrir une affaire non résolue?
D'abord et avant tout, ce sont les éléments de preuve médico-légaux qui peuvent être analysés de nouveau. Lorsque nous revoyons un dossier, la première chose que nous cherchons, c'est de l'ADN. Quelque chose à côté de quoi on serait passé. La science évolue chaque jour et les laboratoires judiciaires sont parmi nos meilleurs alliés. Nous discutons avec eux et tentons de faire revoir le plus d'éléments de preuve possible. Mais il faut vraiment bien comprendre le dossier, savoir ce que les enquêteurs ont fait et le rôle qu'ont joué les témoins à l'époque.
Quels sont les défis associés aux enquêtes sur les affaires non résolues?
Le temps est notre ennemi : les gens oublient des choses, croient qu'ils se souviennent de quelque chose ou se fabriquent des souvenirs. Parfois, quand on reparle à un témoin, sa déclaration est beaucoup plus détaillée que le jour de l'homicide. C'est parce que les gens ont naturellement tendance à combler le vide. Aussi, nous perdons des témoins parce que les gens meurent ou déménagent. Certaines personnes ne veulent tout simplement plus participer à l'enquête. Mais ça fonctionne aussi dans l'autre sens. Dans certains cas, des témoins qui au moment de l'homicide menaient des vies très risquées ne voulaient pas parler. Mais plusieurs années plus tard, ils peuvent en être à une autre étape de leur vie et être prêts à collaborer.
Pourquoi avez-vous créé un compte Twitter?
J'ai assisté à un exposé d'un détective sur les homicides de la Police de Toronto qui a ouvert un compte Twitter pour obtenir des pistes dans les dossiers d'homicides non résolus. Je lui ai demandé conseil parce que je voulais faire la même chose pour une affaire sur laquelle je travaillais. Cela a attiré beaucoup d'attention, mais ça demeure un volet mineur d'une très vaste enquête. Je crois qu'en faisant connaître l'enquête et en donnant un accès immédiat aux enquêteurs grâce à Twitter, nous avons probablement incité des gens à communiquer avec nous alors qu'ils ne l'auraient peut-être pas fait autrement.